Miscellanées d’odeurs

Marie Tijou, Éléphante, 29,7 x 21 cm, 2013. Dessin de la couverture du numéro 129 consacré aux odeurs (Juillet, août, septembre 2020).

La Maison des Glycines

«On tombe dans ce livre sans pouvoir en remonter, ça m’est arrivé hier, et pourtant je ne suis pas de ce territoire, je ne connais pas ces noms, encore moins ces paysages et ces histoires.» François Bon parle du livre de Serge Airoldi, Adour. Histoire d’un fleuve. Un grand livre qui fourmille de sensations, de portraits, d’histoires, de paysages. À Mées, près de Dax, il rencontre Michel Caup chez lui, dans la «Maison des Glycines» où vécut le poète Émile Despax (1881–1915). C’est le titre du recueil de poésie paru en 1906 dont voici un extrait cité par Serge Airoldi.

La pente du jardin coule vers le ruisseau ;
Sous un dernier rayon le sable craque et brille.
Entends dans le chemin ces voix de jeunes filles.
Le puits grince en un bruit de chaînes et de seaux.
Les bois mouillés avaient comme une odeur de cèpes ;
Ils sentaient à la fois l’automne et le printemps.
Le tilleul tiède est plein d’une ombre mauve. Entends
Le cytise qu’emplit le murmure des guêpes.

Par le chemin des champs nous sommes revenus
Vers le troëne en fleurs, la vigne et les glycines ;
Nous avons écouté, près des berges voisines,
Le cri des gabarriers qui rament d’un bras nu.
Les bois ont étagé leurs masses violettes,
Car la teinte des pins se trouble et se confond
Avec les bruits menus des aiguilles, qui font
Que le soir énervant, en s’endormant, halète.

Que je l’aime, la paix grave de ta maison
Mon cœur loin de la mort, ton cœur loin de la vie,
À sa bonté profonde, en rêvant, se confient.
Est-ce le train ? Est-ce la mer, à l’horizon ?

Est-ce la mer ? Est-ce le train ? Silence. Écoute.
Vois monter, de l’Adour, le retour des troupeaux.
Prends cette lampe ; écarte avec soin ces rideaux.
Silence. On n’entend plus les chansons de la route.

Crois-moi. Souris. Nous n’aurons pas perdu ce jour
Et, si quelque ombre au fond de notre cœur persiste,
C’est qu’aux cœurs les mieux faits il est doux d’être triste
Dans le désir ou dans le regret de l’amour.
Les roses du jardin s’ouvrent à la rosée ;
Un désir de fraîcheur me caresse et me mord.
Vois trembler cette étoile et vois cette autre encor
Soyons sages. Fermons à l’air chaud la croisée.

Crains le parfum trop lourd de cet acacia
Et regardons venir, riant, cassant les branches,
Giflant les rosiers fous qui la mordent aux hanches,
Les bras chargés de fleurs et de fruits, Lucia.

Adour, de Serge Airodi, préface de Jean-Paul Kauffmann, éd. L’Éveilleur, 2017, pp. 214–215.

Ces extraits littéraires sont proposés en supplément du numéro d’été de la revue (n° 129) qui évoque les odeurs, des neurosciences à l’histoire.

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