Les Landes et l’agropastoralisme

Vue zénithale du chantier de Bellocq à Saint-Geours-de-Maremne (Landes). Photo W. O'yl (Inrap).

Par Bastien Florenty

De la fin du Paléolithique à la fin de l’Antiquité, des populations s’installent sur le site de Bellocq à Saint-Geours-de-Maremne dans les Landes. L’agropastoralisme se met en place progressivement, l’héritage laissé est préservé. Rencontre avec Vanessa Elizagoyen, archéologue de l’Inrap qui nous raconte l’évolution du site.

Un diagnostic archéologique réalisé en 2017 révèle des occupations diachroniques s’étalant sur plus de 8 000 ans. Une fouille a alors été ordonnée en 2018. De la fin du Paléolithique à l’Antiquité tardive, des traces d’occupations humaines sont retrouvées à Saint-Geours-de-Maremne, ville landaise située entre Dax et le littoral atlantique. Cette colline est cernée par des affluents de l’Adour. Vanessa Elizagoyen, responsable d’opération de cette fouille, était accompagnée de douze à trente agents de l’Inrap pour réaliser cette fouille qui a duré trois mois, sur 8 800 m².

L’Actualité. – Comment s’organisaient les différents niveaux de fouille ?

Vanessa Elizagoyen. – Suivant les endroits cela varie, le site est érodé, les vestiges peuvent être juxtaposés. Sur le même plan, nous pouvons retrouver des silex du Paléolithique et des pots de l’Antiquité tardive. Au niveau de la dépression et en contrebas du site, les sédiments sont stratigraphiés, nous sommes en présence d’une accumulation de vestiges, avec au niveau de la couche sommitale les époques les plus récentes, et au niveau des couches les plus enfouies, les vestiges les plus anciens.

Pouvez-vous retracer l’histoire de ce site et son évolution ?

L’occupation débute au Tardiglaciaire, entre 13 000 et 9 000 ans avant le présent, où nous retrouvons une occupation azilienne, ce qui en fait un site inédit pour cette période dans les Landes. Cinq concentrations de débitage de silex sont présentes, parmi lesquelles nous observons une majorité de grattoirs utilisés pour le travail des peaux, des couteaux à dos pour le découpage de la viande, des armatures de chasses présentant des stigmates d’impacts, dont des pointes à dos courbe. La situation géographique du site laisse penser qu’une faune significative devait être présente. Nous avons fouillé avec attention un locus, centré autour d’une structure de combustion, qui était probablement un foyer. Les vestiges évoquent une occupation récurrente, saisonnière, certainement de type «halte de chasse».

Nous avons identifié deux phases d’occupation datées de la protohistoire dans la moitié nord de l’emprise de fouille. L’évolution des pratiques évolue et les populations se sédentarisent. Un secteur d’environ 1 500 m² autour d’une zone humide caractérise une occupation de l’âge du Bronze ancien / moyen, vers ‑1800 / ‑1 500 ans av. JC.

Parmi les vestiges, nous avons retrouvé des traces de structures de grand volume qui pourraient correspondre à des silos, destinés au stockage de denrées alimentaires. L’établissement est interprété comme un petit habitat de plein air à vocation agropastorale. Le site est d’un intérêt considérable à l’échelle régionale, car peu d’habitats de cette période sont documentés.

L’âge du Fer est également représenté pour cette période protohistorique. Les vestiges sont datés du ixe au ve siècle av. J.-C. Les nouvelles structures sont plus hautes que pour celles de l’âge du Bronze, même s’il est difficile de restituer les plans des bâtiments qu’elles déterminent, nous pouvons envisager la présence d’un bâtiment au plan subcirculaire. Deux foyers sont localisés à l’intérieur d’un bâtiment, un silo livre des restes d’épeautre. Des fragments de faisselle documentent la fabrication de fromage. Cet habitat de l’âge du Fer correspond également à une occupation de type agropastorale, ce qui est rare pour la période, car au sud de la Garonne, ce sont la plupart du temps des sites à vocation funéraire qui sont mis au jour.

Entre le ve siècle av. JC et le début du iie siècle ap. JC, l’absence de vestige pointe un hiatus. Durant l’Antiquité des populations s’établissent de nouveau à Bellocq, elles seront présentes jusqu’au haut Moyen Âge, du iie au ive siècle ap. JC. Parmi les nouveaux bâtiments sur poteaux qui ont été édifiés, certains semblent cumuler des fonctions d’habitat, de stockage de céréales et d’atelier dédié de métallurgie. D’autres pourraient correspondre à des bergeries ou encore à des annexes : greniers, poulaillers, etc. La culture de l’épeautre, de l’orge et du millet sont attestés. Un aménagement en bois permet l’accès à une source qui s’écoule au pied du promontoire. Nous avons également retrouvé des traces de réduction du minerai de fer, qui est la première étape du travail du fer.  L’établissement est détruit par un incendie qui intervient à la fin du ive tout début du ve siècle.

À la suite de cet incendie, le site est-il remanié ?

Nous observons des restes d’ateliers de forge mais peu de traces de reconstructions apparaissent aux ve et vie siècle. Durant la première moitié du viie siècle, un long bâtiment sur poteaux est aménagé, et quelques réparations sont constatées sous la forme de recreusement de poteaux. Au Moyen Âge, les populations se dispersent et le site n’est plus occupé. Cela correspond à une évolution de l’occupation des sols, le territoire est divisé en diocèses. Le bourg actuel de Saint-Geours-de-Maremne,  situé à 2–3 km du promontoire, témoigne ainsi d’une occupation ancienne.

À partir de quand et comment se développent les pratiques agropastorales ?

Dès l’âge du Bronze, les populations ont des pratiques agropastorales. La mise en culture des sols extrêmement pauvres des Landes nécessite l’élevage des moutons, qui enrichit les sols par la fumure. Le site était propice à une telle installation, étant en hauteur, sur un plateau bien drainé et à la fois et alimenté en eau. Les populations concernées vivent avec peu de moyens et témoignent d’une culture propre, typique de l’Aquitaine méridionale. Les importations de biens manufacturés sont insignifiantes sur le site pour la période antique et ils fonctionnent avec des récipients en céramique modelés, dont les formes sont spécifiques. L’activité artisanale de métallurgie du fer est une occupation saisonnière de faible ampleur. Le site de Saint-Geours-de-Maremne a été délaissé au Moyen Âge mais l’agropastoralisme a perduré dans les Landes jusqu’au xixe siècle, puis les cultures intensives comme celles des pins et du maïs ont pris le dessus à partir de Napoléon III.

Cet article fait partie du dossier 20 ans de l’Inrap.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.