Tailler le silex au bord de la Charente

Deux vues d’un même remontage réalisé au sein d’une concentration de silex taillés (les flèches indiquent la direction des enlèvements). Photo B. Larmignat, Inrap.

Par Bastien Florenty

À Bourg-Charente (16), des traces d’occupation humaine du Paléolithique moyen au Moyen Âge ont été révélées. L’équipe de l’Inrap dirigée par Nelly Connet a effectué la fouille sur 2 ha en 2012.

Lors du diagnostic de fouille établi en 2010, Mila Folgado-Lopes a mis au jour des vestiges du Paléolithique moyen et supérieur dont une sépulture du Mésolithique ainsi que des vestiges antiques et médiévaux (un ensemble sépulcrale et un espace de stockage). L’État a donc ordonné une fouille portant sur l’ensemble des vestiges présents. Le site se situe sur un versant de la Charente. Les conditions qu’il propose, un site ouvert formant une sorte de crique, ont permis aux différentes populations d’installer certaines de leurs activités. Trois zones distinctes sont fouillées, une concernant le Paléolithique, une autre portant sur l’Antiquité et une dernière renseignant sur le Moyen Âge.

Vue rapprochée d’une concentration de silex taillés en cours de fouille. Photo Inrap.

«Nous sommes en présence de vestiges du Paléolithique moyen vers – 50 000 ans, ainsi que du Paléolithique supérieur, de l’Aurignacien, daté de – 40 000 / – 30 000, sur une surface de 3 500 m²», explique Nelly Connet. Ce site est situé sur un versant de la Charente, où des colluvions ont permis la stratification des vestiges. «Les vestiges du Paléolithique moyen sont situés plutôt en bas du versant, et ceux du Paléolithique supérieur sur le versant, il s’agit d’un site stratifié en plein air.» Le Paléolithique supérieur présente des vestiges de zones de taille, où neuf concentrations de restes de taille de silex ont été identifiées, pour un total de 8 364 vestiges dont principalement des déchets de production de lamelles. «Nous tentons de reconstituer, par les remontages, sortes de puzzle en 3D, les blocs de silex exploités afin d’en restituer les enchaînements techniques. Certains des blocs contiennent manifestement des erreurs corrigées, et pourraient donc relever d’exercices d’apprentissage de la taille du silex, ajoute-t-elle. La dispersion des vestiges sur le site et les liens mis en évidence par les remontages permettent de retracer les déplacements des objets. Dans le cas de la zone supposée d’apprentissage, ils montrent que les corrections apportées aux erreurs des apprentis ont été faites dans d’autres secteurs du site, montrant ainsi l’interaction possible entre élève et maître. Une telle découverte n’est pas fréquente.» La taille des blocs de minéraux n’est pas la tâche la plus aisée, c’est très technique et un apprentissage est nécessaire. «Le site n’a pas livré de restes osseux, nous ne savons pas ce qu’ils ont consommés, mais, par les analyses tracéologiques réalisées par Émilie Claud – étude des micro-traces des objets pour définir les pratiques et matières travaillées – nous savons que les Hommes ont pratiqué la boucherie et le travail des peaux.» Le lieu n’est donc pas simplement un atelier de taille de silex, c’est un véritable lieu de vie, sûrement un vaste campement. Le même genre d’activités est également présent au Paléolithique moyen.

Localisation des ensembles paléolithiques sur une vue aérienne du secteur paléolithique. Photo P. Neury, Inrap.

«Alexandra Hanry était en charge de la fouille et de l’étude de la période antique», précise Nelly Connet. Plusieurs bâtiments sont présents, dont un ensemble important, à vocation viticole, daté entre le ier et le iie siècle et qui est particulièrement bien conservé.» Puis l’ensemble a périclité jusqu’au iiieive siècle. L’activité viticole s’avère avoir été de courte durée et il semblerait ensuite que l’occupation ait été épisodique. «Pour le Moyen Âge, c’est David Martin qui a dirigé la fouille. Un ensemble de silos, rassemblés sur 1 000 m², a fonctionné entre le viiie et le xe siècle. L’habitat devait être relativement proche même s’il ne se trouve dans l’espace du projet qui a donné lieu à cette fouille.»

«Deux secteurs distincts comportant des sépultures et dissociés de la zone d’ensilage ont été retrouvées ». Fouillés sous la direction d’Isabelle Souquet, un premier ensemble de quatorze sépultures datées du viiie, ixe et xe siècle est présent à l’ouest de la fouille : «Ce lot est contemporain de l’activité des silos, mais nous ne pouvons pas affirmer qu’ils soient liés. Ce sont des tombes individuelles orientées ouest-est où toutes les classes d’âge sont représentées. Des coffrages en calcaire sont utilisés uniquement pour les sujets les plus jeunes.» Le second ensemble se situe dans les vestiges antiques abandonnés, et certaines sépultures sont alignées contre un mur antique qui devait donc être encore visible, et sans doute en partie en élévation. Cet ensemble, distant d’une cinquantaine de mètres du précédent, comprend sept sépultures datées entre le viie et la fin du ixe siècle.

Cette fouille témoigne d’occupations régulières, plus ou moins pérennes à Bourg-Charente. Certaines découvertes, comme l’apprentissage de la taille de silex, donnent ici matière à comprendre un peu mieux les pratiques de nos ancêtres, la fouille contribue donc à l’enrichissement des savoirs. L’éducation laisse des traces et révèle ses pratiques, à chaque époque sa méthode.

Cet article fait partie du dossier 20 ans de l’Inrap.

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