Un marquis sanguinaire à Pleumartin

Vestiges du château de Pleumartin vers 1900.

Par Nathan Florent

Au milieu du xviiie siècle se déroule à Pleumartin une affaire peu commune : le marquis des lieux torture avec cruauté des représentants de la justice royale. Son histoire a choqué ses contemporains, au point d’apparaître chez George Sand.

Les huissiers avaient été attachés deux par deux à des chevaux et roués de coups sur plus de huit kilomètres, parfois nus, leurs perruques avaient été brûlées, leurs cheveux coupés, leur chien abattu, leurs dos exposés à la chaleur brûlante de la cheminée du château, avant d’être reconduits chez eux après un misérable repas. Derrière ce supplice humiliant et cruel se cache un personnage qui a fait couler beaucoup d’encre : le marquis de Pleumartin. On en retrouve même les échos chez George Sand, dont la plume « se refuserait à tracer les féroces obscénités et les raffinements de torture qui signalèrent la vie de cet insensé », selon ses propres mots dans son roman Mauprat.

Tout commence lorsque quatre représentants de la justice royale se montrent chez Victor Marie Nicolas Ysoré, à la fin de l’hiver 1753. En effet, le descendant d’une grande famille de la noblesse française refuse de payer ses dettes. Bien loin de saisir ses biens, ils subissent en fait un véritable supplice digne des barbaries brigandines du Moyen Âge. L’un d’eux n’en ressort d’ailleurs pas vivant. Alors que la justice locale se décide à mettre aux arrêts le noble de haut rang, la maréchaussée est accueillie par des tirs qui ajoutent trois morts au sombre bilan du marquis.

Face à l’ampleur que prend l’affaire, le marquis s’enfuit à l’étranger. Introuvable pendant plus d’un an, il est finalement rattrapé par le mal du pays, et est arrêté sur ses terres. La crainte qu’il inspire à ses sujets les dissuade de témoigner contre lui, si bien que la justice recourt à l’autorité ecclésiastique en publiant un monitoire, menaçant d’excommunier les témoins qui garderaient le silence. Contre les faits qui l’accablent, le marquis de Pleumartin fait paraître un mémoire dans lequel il se positionne en victime d’un coup du sort, et n’exprime aucun regret quant à ses atroces exactions. Il est finalement condamné à la décapitation par le parquet de Paris, sentence qu’il parviendra à repousser jusqu’à sa mort en détention en 1757.

Source : La plus retentissante affaire judiciaire du XVIIIe siècle en Poitou : le procès de Victor Marie Nicolas Ysoré, marquis de Pleumartin (1753–1756), de Fabrice Vigier, Revue historique du Centre-Ouest, t. XVII, p. 117–137, d’après une conférence donnée le 16 mai 2019 par Fabrice Vigier dans le cadre de l’exposition “Scènes de justice en Vienne” présentée aux Archives départementales de la Vienne.

Cet article donne le ton du prochain numéro papier de L’Actualité Nouvelle-Aquitaine qui s’intéresse aux faits divers en histoire, aux crimes avec les témoignages d’experts, au roman noir de la Région… À suivre en juillet 2021.

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