La magie de l’espace
Article et entretien réalisés par Mohamed Ali Belaidi, Charlotte Deville, Lobna Fezai, Daniela Yassuda Yamashita et Issoufou Ibrahim Zamkoye.
Enrica Floris a choisi de faire des mathématiques en ayant à l’esprit d’assurer son avenir. Elle s’aperçoit que ce domaine la passionne : «J’ai découvert que l’idée des mathématiques que j’avais au lycée était très éloignée de ce qu’on faisait réellement, je m’attendais à des calculs et c’étaient plutôt des raisonnements. C’était une bonne surprise !» Au cours de ses années de licence à l’université de Pisa (Italie), elle a rédigé un mémoire avec une problématique qui l’a introduite à la géométrie algébrique mais aussi au domaine de la recherche, «c’était très excitant de travailler sur un sujet où on ne sait pas finalement ce qui va se passer à la fin». Encadrée par Rita Pardini, une femme qui l’a fortement inspirée et qui a été «son premier coup de chance», Enrica Floris a été fascinée par ce domaine et avait envie de continuer en Master. Toujours encouragée par son encadrante, elle s’est orientée vers une thèse en France et pour faciliter son entrée dans le système français, elle a poursuivi avec un master 2 à l’Université Pierre et Marie Curie de Paris avant de débuter sa thèse à Strasbourg.
Jeune chercheuse
Juste après sa thèse, Enrica Floris a poursuivi en post-doc à Londres. Cette première expérience était cruciale car elle lui a permis de s’ouvrir à de nouveaux horizons dans son domaine d’études. Paolo Cascini, éminent chercheur en mathématiques, a eu un impact important sur la suite de sa carrière en tant que superviseur d’Enrica. Ensuite, elle a continué son parcours de recherche par deux post-docs ; un premier à Bonn en Allemagne à l’institut Max-Planck et un second à l’université de Bâle en Suisse. Ce sont ces post-docs ainsi que les différents encadrements qu’elle a eu dans son parcours qui ont fait d’elle la chercheuse qu’elle est aujourd’hui, «ces gens que j’ai rencontrés ont vraiment formé mes directions de recherche».
Maîtresse de conférences
Fille de deux enseignants, ce métier ne l’avait jusque-là pas intéressé mais en entrant dans le domaine de la recherche, elle a découvert qu’elle «aime bien enseigner». Elle nous confie aussi que le travail de recherche peut-être fatiguant : «On passe la plupart du temps à ne rien comprendre […] il faut trouver des moyens pour résister.» C’est le jour où toutes les pièces du puzzle s’assemblent que l’on commence à voir la lumière au bout du tunnel et que l’on atteint la satisfaction.
La géométrie algébrique est vue de manière générale comme une étude de l’espace défini avec des polynômes mais pour la mathématicienne c’est plutôt de l’art. «Ce qui me passionne, c’est vraiment de voir ce lien entre l’ordre, l’élégance et la symétrie des objets qu’on ne connait pas, a priori, c’est selon moi absolument magique». Elle ajoute même : «On fait des choses qui sont très belles, on s’amuse, c’est un travail qui est vraiment satisfaisant.»
Enrica Floris insiste sur le fait que ce n’est pas évident de ne pas se laisser dévorer par le monde de la recherche.
«Il faut faire attention à nous-même, pour moi il y a des jours où je ne comprends rien parce que j’ai utilisé ma partie d’énergie mentale pour des problèmes de maths. Il faut être conscient de cela et garder des moments pour penser à autre chose. Il faut activement y penser, pour moi ça ne vient pas naturellement.»
Quand on fait quelque chose qui passionne, on est souvent emporté par son sujet et celui-ci devient omniprésent, ce qui peut rajouter un peu de pression dans la manière de gérer le temps. Dans d’autres domaines de recherche, la pression du temps est plus présente par rapport aux objectifs et aux financements que certains laboratoires doivent atteindre et du point de vue d’Enrica cela est «très en contradiction avec la nature de la recherche». La chercheuse explique alors qu’elle ne subit pas cette pression dans son domaine d’études mais elle est surtout motivée par cette envie de connaître la réponse à ses questions.
Enrica Floris est une chercheuse au parcours déjà bien rempli qui est très enrichissant et motivant. Elle montre l’image d’une femme passionnée par son métier dans les bons et les mauvais moments et encourage chacun à persister dans la voie qui l’inspire le plus. Elle nous partage dans la suite son défi en tant que femme dans le monde scientifique.
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