Claudel et Rodin amants au Château de l’Islette

Château de l'Islette à Azay-le-Rideau.

Par Juliette Gruchet

Situé à seulement quelques kilomètres du château d’Azay-le-Rideau, le château dit « des amours de Camille Claudel et Auguste Rodin » est un domaine privé, entretenu par la même famille depuis deux générations après avoir été aménagé dans les années 1950 en collectivité par une entreprise étrangère comme lieu de vacances pour ses salariés. Malheureusement, faute d’archives, l’historique des lieux est très succinct. Les seules connaissances sur le développement de ce domaine sont, tout d’abord, l’apparition d’un logis au xiiie siècle puis l’agrandissement avec une architecture typique de la Renaissance au xvie siècle par René de Maillé et enfin les modifications au xixe siècle par un certain Monsieur Dupuy qui décide de tronquer les tours, d’enlever les lucarnes et de combler les douves, par souci d’économie ou pour chercher à se différencier de son voisin. 

C’est dans les années 1890 que les deux sculpteurs séjournent en Touraine. Auguste Rodin, féru d’architecture, fait le tour des châteaux de la Loire et en dessine quelques croquis. Ils découvrent alors le château de l’Islette, dont la propriétaire louait des pièces à des hôtes pour avoir quelques revenus supplémentaires. Ce lieu deviendra pour eux un véritable havre de paix, loin de Paris. La grande salle, pièce entièrement décorée de peinture des xvie-xviie siècles, a servi d’atelier aux deux artistes. Le parc idyllique, entouré par la forêt et traversé par la rivière, invite à l’apaisement et à l’évasion.

« Vous ne pouvez vous figurer comme il fait bon à l’Islette. […], tout est tendu, foin, blé, avoine, on peut faire le tour partout c’est charmant. Si vous êtes gentil à tenir votre promesse nous connaîtrons le paradis. »

Camille Claudel à Rodin en 1891.

Pour la salle des gardes qui leur est dédiée, le musée Rodin a prêté des copies de lettres, de dessins, de photographies. Y figure notamment un questionnaire de Proust auquel avait répondu Camille Claudel. Ces questions permettent de cerner le caractère d’une personne selon ses réponses, et quel caractère ! 

« Vos qualités favorites chez un homme ? D’obéir à sa femme. Vos qualités favorites chez une femme ? De bien faire enrager son mari. Le défaut pour lequel vous avez le plus de tolérance ? Je tolère tous mes défauts, mais pas du tout ceux des autres. »

Confessions Camille Claudel, Collection musée Rodin.

Ces lettres, témoignant de la passion entre les deux artistes, montraient également la dualité qui résidaient entre eux. Sans cesse comparée à son amant, Camille Claudel doit batailler à de nombreuses reprises pour prouver qu’elle ne l’a pas copié et qu’elle a autant de talent que lui. Son entourage lui reproche son fort caractère, son manque de diplomatie. C’est ce qui la mènera à sa perte. 

Artiste de génie et femme incomprise

En 1892, après avoir passé trois étés à l’Islette, Camille Claudel revient seule, c’est le début de leur séparation. Auguste Rodin retourne auprès de la femme avec qui il partage déjà sa vie à Paris, et de son fils. Camille devient de plus en plus solitaire. C’est à cette période qu’elle réalise sa Petite Chatelaine, prenant pour modèle la petite-fille des propriétaires. Cette dernière, âgée de six ans, pose à soixante-deux reprises. Certains y voit l’enfant qu’elle n’a jamais eu. 

La Petite Chatelaine, Camille Claudel, 1892–1896.
Photo Crait et Müller 

Persuadée que ce qu’elle appelle « la bande à Rodin » essaye de nuire à son art et à sa vie, atteinte de crises de paranoïa et d’hystérie mais surtout source de honte pour sa famille, sa mère la fait enfermer dans un asile psychiatrique jusqu’à ses derniers jours. Son frère vient lui rendre visite treize fois, sa mère jamais. Touchée par les restrictions alimentaires de la guerre, elle meurt de faim après trente ans d’enfermement. Son corps n’ayant jamais été réclamé par la famille, il a été déposé dans une fosse commune dans la ville de son internement. 

Finalement, ce n’est que dans la seconde moitié du xxe siècle que le nom de Camille Claudel sort de l’ombre grâce au livre d’Anne Delbée (1982) et à l’exposition présentée par Monique Laurent et Bruno Gaudichon aux musées Rodin et Sainte-Croix à Poitiers en 1984. 

« Je couche toute nue pour me faire croire que vous êtes là, mais quand je me réveille, ce n’est plus la même chose. Je vous embrasse, Camille. Surtout, ne me trompez plus. »

Camille Claudel à Auguste Rodin, lettre de 1891.

Cet article a été réalisé lors d’un séminaire de médiation et d’écriture journalistique dans le cadre du master histoire de l’art, patrimoine et musées de l’université de Poitiers.

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