Appeler ma famille n’est plus une corvée

Photo Aymeline Debonlier

Par Aymeline Debonlier

C’est dans un moment pareil qu’on se rend compte de ce qui est vraiment important. Plusieurs sentiments se bousculent, la peur, l’inquiétude, l’incompréhension. Mais qu’est-t-il vraiment en train de se passer ? Le monde entier est à l’arrêt caractérisé par le silence à la fois apaisant et effrayant. Les mots «Covid, virus, mort, pandémie» circulent en boucle dans ma tête, que j’allume la télé ou que je regarde mon téléphone on ne parle que de ça. Logiquement, une paranoïa se met en place, et si ça m’arrivait à moi ou pire encore à quelqu’un de mon entourage ? La peur de perdre un être cher s’accentue, est-ce que tout cela va s’arrêter un jour ? Les petites choses quotidiennes de la vie qui nous semblaient banales auparavant nous manquent aujourd’hui terriblement. Appeler ma famille n’est plus une corvée et devient un moment réconfortant et rassurant. Même si les discussions tournent un peu en rond étant donné le contexte, je me rends compte que c’est une chance car de nombreuses personnes en sont privées à cause de cette pandémie. C’est là que je commence à rêver de choses simples, un repas où nous serions tous réunis, qu’est-ce que ça ferait du bien !

C’est vrai que les jours passent lentement et se ressemblent. Au début, j’en profite pour me reposer et flâner, mais rapidement l’ennui se fait sentir. Pour fuir cet ennui, je me dis que la meilleure solution est de mettre en place une routine, essayer d’organiser au maximum mes journées. Ce moment signant le début des activités en tout genre, cuisine, sport, nettoyage, jeux de sociétés, jeux vidéo, lecture, musique, films, puzzle, jardinage. Grande habituée de la procrastination, ce n’était plus une excuse valable.

Pendant cette période irréelle, une atmosphère angoissante régnait. Les médias ont commencé à diffuser des aspects plus «positifs» de ce confinement, permettant de s’évader un peu et d’atténuer la peur. Je suis agréablement surprise par l’élan de solidarité que provoque ce confinement. Tous dans la même situation, une espèce d’entraide collective s’est mise en place, bousculant nos habitudes, mais permettant de créer de nouveaux liens, de penser davantage aux autres. On voit également la nature reprendre ses droits, la pollution chuter fortement partout dans le monde. C’était peut-être de ça qu’on avait besoin, d’un électrochoc pour prendre conscience que nous avons tous un rôle à jouer pour sauver notre planète. Vu le temps libre dont nous disposions tous, la mode du «fait maison» était lancée. Et pour une fois, qu’il s’agit d’une mode utile et engagée pourquoi s’en priver ? Allez c’est parti pour de nouvelles activités, si je faisais mon pain, mes produits ménagers et cosmétiques, et pourquoi pas du fromage aussi, de la moutarde.

Malgré toutes ces occupations, deux mois c’est plutôt long finalement, je me mets à me plaindre, à râler, mais quand allons-nous enfin nous rendre notre liberté ? Puis arriva le jour du déconfinement : le 11 mai 2020, la libération ! Rien que de faire une heure de voiture était un vrai plaisir ! Et je ne parle pas des retrouvailles avec ma famille et mes amis. C’était comme si on ne s’était pas vu depuis un an. Séparés pendant deux mois, il fallait peut-être cela pour que je me rende compte à quel point je suis chanceuse d’être entourée des gens que j’aime. Le déconfinement c’était un peu comme un retour à notre vie d’avant, avec néanmoins de nouvelles habitudes à prendre. Difficile d’oublier les gestes barrières à respecter : tousser ou éternuer dans son coude, se laver très régulièrement les mains, saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades. Mais ne pas pouvoir se serrer dans les bras n’est même pas si frustrant à côté de la joie procurée de se voir face à face. C’est comme si en une journée j’avais déjà oublié «l’horreur du confinement». Et si, finalement, cette «expérience» avait eu des effets bénéfiques sur moi ? L’envie d’être plus présente pour mon entourage, d’aider les autres, de prendre soin de moi, d’être plus écolo, plus ambitieuse, tout cela ressemble fortement à des bonnes résolutions pour la nouvelle année ! Mais comme tout le monde le sait, les bonnes résolutions ne durent jamais et les mauvaises habitudes reviennent rapidement. Aujourd’hui, même avec tout l’amour que j’ai pour eux, appeler ma famille est redevenu une corvée.

Aymeline Debonlier est étudiante en master 2 microbiologie et immunologie, à l’université de Poitiers.

Cet article a été rédigé dans le cadre d’une formation à l’écriture journalistique (UE Médiation scientifique).

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