Jeanne Riveron – photos au bourg d’Oiron
Entretien Grégory Vouhé
Avant la Première Guerre mondiale, Jeanne-Riveron (1888–1973) a réalisé de nombreuses photos au bourg d’Oiron, où elle est née, en plus de celles du château qui ont fait l’objet d’un premier article. Compte-tenu de leur prix, les appareils photo étaient rares dans les campagnes. Jeanne a composé un album, qui constitue un véritable reportage photographique du monde rural qui l’entourait : outre les habituelles photos de famille et de vacances, elle a photographié fermiers et animaux. Commentées par sa fille, aujourd’hui âgée de 98 ans, ses photos nous plongent au cœur d’un mode de vie disparu, finalement plus proche de celui des familles aisées d’avant 1789 que du nôtre.
Madeleine Rigaud – Les photos ont été prises par ma mère, qui ne savait pas quoi prendre. Elle avait eu cet appareil après avoir passé son brevet, c’était une récompense. Ses parents habitaient à Oiron.
Voilà la maison de mes arrière-grands-parents, de mes parents, de mes grands-parents du côté de ma mère. Là c’est le jardin derrière la maison. Là c’est dans la cour avec les boulins des pigeons et un grand cèdre.
Ça c’est le clos du Calvaire : en sortant d’Oiron, en allant sur Fontenailles, il y avait un clos qui leur appartenait, il y avait une petite bicoque, un petit logis.
Vous savez-bien que les bourgeois, ils avaient du bien, c’était des fermes en général. Une maison et des terres. On allait à la ferme.
Rin qu’un monsieur le marquis
Ça c’est la ferme de mes grands-parents, avec la gardeuse d’oies. Regardez comment elle est habillée, comme au moyen-âge, c’était leur costume. Elle emmenait les oies en troupeau.
Voilà à nouveau la ferme, le fermier, le fils du fermier, avec le pigeonnier. Là, la fermière avec les cochons. Un jour le marquis a dit à la fermière « ha vous en avez des belles poules, combien pondent-elles d’œufs par jour ? – Rin qu’un monsieur le marquis. Rin qu’un ! »
Après ce sont les travaux de la ferme. Voilà tout ce qui se faisait à l’époque. Les moissons. La machine à battre. Un attelage de bœufs. Ma mère voulait prendre quelque chose avec son appareil, donc elle a pris ce qu’elle avait sous le nez.
À Oiron, il y avait une mare où tous les animaux venaient boire, on les mettait au champ, et puis après on les amenait à la mare. Tous les animaux allaient s’abreuver à la mare. Et tous les gens se retrouvaient à la mare. Ça papotait pas mal. C’était un lieu de rendez-vous.
Maire, chasseur et capitaine des pompiers
Là c’est ma grand-mère et son frère Noël Dubois, qui était maire du bourg d’Oiron. La voilà avec la religieuse qui lui a appris à lire ; elle a l’uniforme, c’est dans la cour de l’hôpital. Là c’est ma mère en costume de Thouars.
L’oncle de ma mère, Noël Dubois, était très chasseur. Là il est habillé en pompier : il était capitaine des pompiers d’Oiron.
Ça c’est le docteur Pelletier, le premier médecin qui est venu s’installer à Oiron.
Là c’est le château de Leugny. C’était des cousines de ma mère qui l’habitaient.
Là c’est à Angers. Ma grand-mère [paternelle] habitait Angers, 41 rue Bernier.
Une distraction parmi d’autres
Là c’était la distraction : ma mère chantait, tante Georgette jouait du violoncelle, et puis tante Yvonne jouait du piano. C’était une façon de se distraire.
Elles allaient aussi dans le grenier, elles ouvraient les malles. Elles trouvaient des vêtements. Ma mère faisait l’amie qui attendait le militaire : elle priait pour le retour du militaire. Elles imaginaient des petits scénarios. Là elles sont costumées en avocat.
Elles allaient en vacances aux Sables[-d’Olonne]. On louait une maison. Ma mère avait des cousins à La Rochelle : d’autres occasions de faire des photos.
Elle les tirait elle-même, avec des bassins pour les faire tremper dans le produit. Elle faisait tout elle-même. Elle a garni l’album au fur et à mesure qu’elle faisait les photos, c’était tout un travail. Voilà comment on se distrayait à l’époque. Ça l’a occupé. Elle cherchait à se distraire. J’ai donné l’appareil photo au musée de Thouars1.
1. Mille mercis à Madeleine Rigaud, pour le partage amical de ses souvenirs, ainsi qu’à Christiane Babin pour ses précisions.
Sur le château d’Oiron
« De retour à Oiron », L’Actualité Nouvelle-Aquitaine n° 119, hiver 2018, p. 56–59.
« Le recueil du duc d’Antin », L’Actualité Poitou-Charentes n° 110, automne 2015, p. 26–29.
« Tombeaux de marbre des La Trémoïlle et des Gouffier », L’Actualité Poitou-Charentes n° 107, hiver 2015, p. 46–47.
« Les Métamorphoses au plafond du château d’Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 106, automne 2014, p. 39.
« Oiron. La chambre du Roi », L’Actualité Poitou-Charentes n° 102, automne 2013, p. 22–25.
« L’orange cultivée au Grand Siècle », L’Actualité Poitou-Charentes n° 93, juillet-septembre 2011, p. 45.
« Oiron. Un visage retrouvé », L’Actualité Poitou-Charentes n° 87, janvier-mars 2010, p. 46–47.
« Oiron. La galerie restaurée », L’Actualité Poitou-Charentes n° 86, octobre-décembre 2009, p.40–41.
« Madame de Montespan à Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 78, octobre-décembre 2007, p. 40–41.
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