Végétal Moyen Âge

"Tractatus de Herbis", British Library, Sloane ms.41 6, f°30r° I Tacuinum sanitatis, Université de Liège ms. 1 041. Wikimedia Commons

Par Bastien Florenty

Le jardin botanique universitaire, situé au domaine du Deffend à Mignaloux-Beauvoir, accueille vendredi 20 mai, de 9h à 17h, la journée d’études du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (université de Poitiers, CNRS) consacrée aux plantes dans la santé et l’alimentation au Moyen Âge.

C’est une histoire intime qui lie l’humain et les plantes. Depuis toujours elles sont indispensables. D’abord pour se nourrir et se guérir, puis dans l’échange et le commerce, des milliers d’espèces différentes sont employées à des fins variées. Les plantes sont testées, documentées, référencées pour leurs vertus. Qu’elles soient seules, ou assemblées afin d’obtenir une action synergique. Sélectionnées pour répondre à nos besoins, aux conditions climatiques et aux attentes de production, elles nous accompagnent à chaque repas. Le Moyen Âge ne se prive pas de ces bienfaits. Charles Viaut, ATER à l’université de Poitiers, Corinne Lamour, doctorante au CESCM et Martin Aurell, directeur du CESCM, sont les organisateurs de la journée Végétal Moyen Âge ! Plantes, santé et alimentation. À la suite de l’introduction de la journée par le directeur du CESCM, cinq conférences de quarante-cinq minutes sont programmées au sein de l’auditorium, ainsi que la visite d’une partie des collections du jardin botanique de l’université de Poitiers.

Plantes et santé

Corinne Lamour a un parcours singulier puisqu’elle est praticienne hospitalière en oncologie thoracique au CHU de Poitiers et mène un travail inédit, dans le cadre d’une thèse en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes, sur le seul manuscrit existant traduit en anglais au xve siècle et conservé à l’université de Cambridge (MS Peterhouse 118) du traité de chirurgie d’Henri de Mondeville. Ce dernier était chirurgien de Philippe IV le Bel (1268–1314) et il est le premier Français à rédiger un traité de chirurgie, en quatre parties, dont la dernière est un antidotaire. Le travail de la thèse consiste en l’étude et l’édition de l’ouvrage, naviguant entre les connaissances en botanique et en chirurgie. Si Henri de Mondeville puise son savoir dans les textes d’Hippocrate, Aristote et surtout Galien concernant l’anatomie, il se considère comme moderniste, car élève de Théodoric Borgognoni (1205–1298) et s’oppose aux Anciens dans le traitement des plaies. «En tant que chirurgien du roi et des armées, il est présent sur les champs de bataille où il exerce son savoir», détaille Corinne Lamour, son traité recense ainsi les soins qu’il pratique. Par exemple, pour lui la suture des plaies de première intention prime sur la suppuration. Cette idée novatrice pour l’époque ne reçoit pas le succès escompté jusqu’aux travaux d’Ambroise Paré (1509–1590). «Il est également convaincu de la nécessité de distinguer la préparation des remèdes, de l’application», précise-t-elle. Les apothicaires préparent les remèdes que les chirurgiens appliquent. Ces derniers suivent une formation, ce qui les différencie des barbiers, qui réalisent les saignées. L’utilisation des plantes est à cette époque essentielle dans le traitement des maladies, non seulement en prévention mais aussi dans un but thérapeutique.

Extrait des comptes de bouche du château de Thouars étudiés par Charles Viaut. Archives nationales, 1AP/559

Plantes et alimentation

Afin d’appréhender les régimes alimentaires de nos ascendants, deux approches sont plébiscitées, l’étude des textes et l’archéologie. Pour cela, Charles Viaut, docteur en histoire et archéologie médiévale de l’université de Poitiers et archiviste-paléographe, a décortiqué des documents exceptionnels : les comptes de bouche du milieu du xve siècle du château de Thouars sous Louis d’Amboise. Alors que mange-t-on en Poitou au xve siècle ? «Les comptes indiquent des achats de légumes “verts”, de fruits de saison, mais également d’épices», indique-t-il. Qu’elles soient locales comme le safran ou exotiques comme la graine de Paradis (Guinée) et le clou de girofle (Indonésie), elles représentent les dépenses les plus conséquentes. Les comptes ne témoignent pas des productions du château, on peut donc penser que certains produits non mentionnés sur les registres et courants pour l’époque sont cultivés sur place. Son intervention s’appuie sur sa thèse dirigée par Martin Aurell et Nicolas Prouteau, soutenue en novembre 2021 : «À la table des princes…et des autres». Consommation et pratiques alimentaires sur les sites castraux et élitaires du nord de l’Aquitaine et du centre-ouest de la France (xe-xve siècle) ainsi que sur les travaux de l’historien Laurent Vissière à propos du château de Thouars sous Louis II de la Trémoïlle.

La programmation est complétée par trois intervenantes. Laurence Moulinier-Brogi, professeure d’histoire médiévale à l’Université de Lyon II propose un panorama des connaissances et usages des plantes. Quant à Alice Laforêt, archiviste-paléographe et conservatrice des bibliothèques, chargée des collections patrimoniales à la Bibliothèque du Muséum national d’Histoire naturelle apporte un éclairage sur les produits des arbres à partir de l’ouvrage Hortus sanitatis (1491). Charlotte Hallavant, carpologue au laboratoire Traces de l’Université Toulouse – Jean Jaurès, aborde le versant archéologique de l’alimentation. Son travail porte sur l’étude et la caractérisation des graines et semences conservées sur les sites. Elle participe au programme de recherche consacré à l’enrichissement et l’étude des données archéozoologiques et archéobotaniques du groupement de recherche Bioarcheodat (CNRS, Inrap, Archimede, Museum national d’histoire naturelle, UMR archéozoologie – archéobotanique). Son intervention s’intéresse à l’étude carpologique (dont elle est l’une des rares spécialistes) de sites médiévaux situés dans l’ancienne région Poitou-Charentes.

Afin de profiter de la splendeur du jardin en fleur au printemps, Géraldine Garcia, maître de conférences en paléontologie et responsable des collections scientifiques de l’université de Poitiers, conduit la visite des collections d’herbiers et fossiles végétaux du jardin botanique.

Le Moyen Âge est une époque marquée par des préjugés tenaces, et dont certains aspects sont flous. Cette journée d’études propose une approche pluridisciplinaire et nous apporte des éléments essentiels afin de comprendre les modes de vie de nos prédécesseurs, ici le rapport aux plantes, loin des idées reçues.

La journée d’études Végétal Moyen Âge ! Plantes, santé et alimentation, organisée par le CESCM (université de Poitiers, CNRS) a lieu le vendredi 20 mai de 9h à 17h au jardin botanique de l’université de Poitiers situé sur le domaine de Deffend à Mignaloux-Beauvoir. L’entrée est libre, les pique-niques sont autorisés, un food truck végétarien est également proposé.

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