Publier les mots des jeunes migrants
Daniel Senovilla Hernandez (ingénieur de recherche, Migrinter, Université de Poitiers, CNRS), Stéphane Bikialo (professeur de littérature à l’Université de Poitiers) et Marie Cosnay (écrivaine) accompagnent la collection Ces récits qui viennent aux éditions Dacres. Plusieurs récits de jeunes migrants ont été publiés, Daniel Senovilla raconte la genèse de cette collection et l’accompagnement des jeunes écrivains.
L’Actualité Nouvelle-Aquitaine avait consacré un article au livre de Stephen N’Gatcheu, Chez moi, ou presque… dans le numéro 129 (été 2020) dont nous vous proposons de nouveau la lecture.
Corps submergé
Par Héloïse Morel
«Dans le train, je demandai au contrôleur : “où vais-je exactement ?” Le contrôleur me répondit qu’il m’avertirait à l’arrivée… C’est donc par le plus grand des hasards que je me retrouvai en gare de Chambéry et c’est alors que je pensais qu’il avait simplement voulu se débarasser de moi. Mais ce fut un mal pour un bien. Après vingt mois d’errance j’étais chez moi, ou presque.»
À peine dix-huit ans et un vécu difficilement imaginable. Stephen Ngatcheu raconte son périple qui lui fit quitter le Cameroun, son pays natal, le menant du Sahel, aux sables permanents du Niger, à l’Algérie où il reste un an, travaillant comme un forcené – pour si peu – au Maroc, aux geôles d’Espagne puis Lyon et enfin Chambéry. Témoignage d’un adolescent confronté aux affres de la migration, de l’exploitation et du racisme avant d’atteindre la France. Il y les morts également, submergés, de la traversée vers l’Espagne où il est emprisonné. Quarante personnes sombrent et lui culpabilise d’être en vie. L’écriture pose ce récit et l’amène vers sa famille, celle qu’il a quitté et celle qui se découvre à Chambéry. La vie c’est de la boxe, il faut prendre du recul.
La collection «Ces récits qui viennent» est à l’initiative de Daniel Senovilla Hernandez, chercheur au laboratoire Migrinter de l’université de Poitiers, Stéphane Bikialo, professeur en littérature dans la même université et Marie Cosnay, écrivaine et traductrice. Ouvrir un espace possible de publications aux réalisations de jeunes migrants. Leur offrir une place dans l’édition, un matériau pour les chercheurs qui s’intéresse à la migration : l’état d’esprit, les stratégies, les enjeux économiques, le racisme, la religion et l’humain.
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