Gildas Le Reste – Sur les sentiers de la création

El Angel, sculpture d’Antonio Segui pour l’école d’arts plastiques de Grand Châtellerault. Photo Hervé Tartarin.

L’école d’arts plastiques de Grand Châtellerault est un foyer de création, grâce à son directeur bien inspiré, Gildas Le Reste, qui va bientôt passer la main. 

Par Jean-Luc Terradillos

Un ange veille sur l’école d’arts de Grand Châtellerault. El Angel, d’Antonio Segui, c’est lui qui nous accueille dans la cour, du haut de ses 4,50 m, carton à dessin sous le bras. La mort d’Antonio Segui en février dernier nous a fait prendre conscience que c’est l’une des rares sculptures de ce grand artiste argentin érigées en France, pays qu’il avait adopté depuis 1963. 

«J’ai rencontré Antonio Segui quand je partageais un atelier à Arcueil avec Jean-Pierre Pincemin, c’était notre voisin, se souvient Gildas Le Reste, directeur de l’école. Après le décès de Jean-Pierre, sa veuve m’a demandé le nom de son comptable. C’est ainsi que j’ai vraiment rencontré Antonio Segui car ils avaient le même comptable. Je connaissais sa peinture, mais quand j’ai découvert qu’il était en train de faire des petites sculptures, je lui ai proposé d’en imaginer une grande qui serait un signal pour l’école. La sculpture a été réalisée près de Châtellerault, à Naintré, chez Brionne Industrie, entreprise avec laquelle nous avions déjà produit l’hommage à Rodolphe Salis de Jean-Charles Blais, les chaises d’Hervé Di Rosa, l’alphabet socio-politique de Jacques Villeglé.» 

Antonio Segui chez Brionne Industrie en 2010. Photo Gildas Le Reste. 

Alberto Manguel, qui vivait à l’époque dans le Poitou, ne connaissait pas Antonio Segui. Leur rencontre, grâce à Gildas Le Reste, a été fructueuse : une exposition à Châtellerault en 2007, Les pièces d’identité d’Antonio Segui, et un petit livre où Alberto Manguel écrit notamment : «Segui ne se moque pas : il s’amuse. Ses hommes en chapeau, ses militaires binoclards, ses gentlemen gominés, ses robustes filles, ne sont pas des caricatures mais des versions libres de la réalité. Ils sont tous là et Segui semble nous dire : travailleurs, séducteurs, politiciens, flemmards, indécis, inquiets, sportifs, enfants sages, patrons d’entreprises multinationales, chacun est en quête d’une magnifique aventure qu’ils ne vivront peut-être jamais. Tels sont les acteurs parmi lesquels nous nous trouvons, chacun jouant son rôle, chacun voué à sa petite tâche qu’il estime sans doute capitale et colossale. Segui les regarde avec tendresse.» 

Par la suite, Antonio Segui a illustré des ouvrages d’Alberto Manguel, notamment Un retour, le livre CD de l’opéra d’Oscar Strasnoy (Actes Sud, 2010), Sombras de Segui, livre d’artiste composé d’une suite de onze gravures au carborundum tirées par l’atelier Pasnic à Paris. Est-il besoin de préciser que toutes ces gravures sont entrées dans les collections de l’artothèque de Châtellerault ? Collections impressionnantes (environ 1 200 œuvres) auxquelles s’ajoutent les nombreuses sérigraphies réalisées sur place avec les artistes invités par les ateliers de l’imprimé – centre d’art contemporain reconnu par le ministère de la Culture. 

Cet exemple explique pourquoi l’école d’arts plastiques de Grand Châtellerault recèle autant de trésors en ses murs. 

Hommage à Descartes de Jean-Pierre Pincemin. 

Un dialogue entre artistes déclenche puis nourrit des relations amicales. Cette confiance réciproque facilite les échanges dans la mise en œuvre des projets pour l’école, y compris des œuvres aux dimensions inédites malgré des budgets très modestes. Cette maison est littéralement habitée par les artistes. Sans oublier ceux qui y enseignent, d’autres y demeurent jour et nuit grâce aux œuvres qu’ils ont conçues et réalisées pour ces lieux. David Tremlett, artiste britannique, fut le premier à peindre un mur de l’école en 1994. Un autre mur a été peint par Jean-Michel Alberola en 2002, un plafond par Stéphane Calais en 2001, Christian Jaccard a couvert de «combustions» les murs d’un escalier en 2010. L’hommage à Descartes de Jean-Pierre Pincemin est une géométrie sur un sol de 6 mètres de diamètre (1996) installée dans la cour de la maison du philosophe, où se loge l’artothèque. D’autres artistes ont été invités à travailler à partir de Descartes. Spectaculaires les Cinq triangles pour Descartes de Felice Varini sur les murs de l’école ! 

Cinq triangles pour Descartes de Felice Varini.
Sérigraphie de Jacques Villeglé imprimée à l’école d’arts plastiques par Gérard Adde en 2006, constituée de citations d’écrivains du Poitou transcrites en écriture socio-politique. Un agrandissement de 4 x 4 m a été réalisé par Studio Ludo pour la médiathèque d’Availles-en-Châtellerault.

Citons également Jean-Yves Brelivet, Didier Dessus, Jaroslaw Flicinski, Jacques Julien, Olga Luna, Bruno Rousselot qui ont créé des œuvres pérennes à l’école, ainsi que Jean-Michel Alberola, Stéphane Calais, Joël Ducorroy, Ivan Messac, Françoise Petrovitch, Jacques Villeglé qui ont conçu une œuvre pour les médiathèques de l’agglomération. Sans oublier les bancs du site de la Manufacture qui ont fait l’objet d’autres commandes artistiques… 

«Une école d’art, souligne Gildas Le Reste, c’est un lieu où l’on apprend aussi à rêver, à s’aventurer sur les sentiers de la création.» 

Gildas Le Reste devant son portrait peint par Philippe Cognée. Photo J.-L.T. 
A propos de Jean-Luc Terradillos
Journaliste, rédacteur en chef de la revue L'Actualité Nouvelle-Aquitaine.

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