Christophe Dejours – Le travail à en souffrir

Christophe Dejours le 29 janvier 2016 au TAP - photo Guillaume Héraud.

Le psychanalyste Christophe Dejours, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, analyse les conséquences des nouvelles formes de management sur la santé mentale. En ouverture du 7e festival Filmer le travail, il estime qu’il est possible de mettre en avant une organisation du travail basée sur la coopération.

Par Clément Barraud

Pour celui qui s’intéresse depuis plus de vingt ans à la souffrance au travail, cette question est avant tout le signe d’un échec du politique. «Le travail est de plus en plus médicalisé, psychologisé, ce qui le dépolitise, explique-t-il. La lutte des classes a été réduite à des questions individuelles, le mouvement ouvrier a mis de côté les questions de classe au profit du corps.» Pour le chercheur, le droit du travail est construit essentiellement autour de la protection de la santé et du corps.

Concurrence entre salariés

Christophe Dejours fait le lien entre les différentes souffrances et l’évolution dans l’organisation du travail. «On a connu un tournant dans les années 1980 avec le remplacement des ingénieurs par des gestionnaires. La priorité a été donnée aux performances, aux objectifs à atteindre. On assiste donc depuis trente ans à une normalisation des tâches, et à une concurrence entre les salariés qui est à l’origine d’un mal-être profond.» Selon le psychanalyste, une «haine des uns envers les autres» se développe et va sortir du monde du travail pour contaminer la société.
Pour lui, l’organisation du travail n’est pas tant une conséquence de la mondialisation qu’une question purement politique. «Le travail n’est pas neutre, politiquement. Au contraire, il permet une instrumentalisation permanente des gens, par exemple en brandissant la menace des licenciements.» Pourtant, il n’y a pas de fatalité, selon le chercheur. «Le travail a généré le meilleur autrefois, il y avait une vraie solidarité entre les travailleurs et une réelle implication de chacun. Aujourd’hui, il faut résister à la vague néolibérale en faisant le pari de la coopération», estime-t-il. Face à un travail de plus en plus individualisé et basé sur la recherche de la performance, le retour au collectif et des choix d’organisation moins gestionnaires permettraient de réduire le stress et la souffrance au travail.

Haut de page, Christophe Dejours lors de sa conférence «Souffrir au travail n’est pas une fatalité», le 29 janvier 2016 au TAP – photo Guillaume Héraud.

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