Château d’Oiron – les médaillons disparus
Par Grégory Vouhé
Pour Benjamin Fillon (1819–1881), tout le château d’Oiron avait été reconstruit sur un plan régulier par Claude Gouffier au milieu du xvie siècle. Pour preuve, une « note informe, trouvée dans les archives, [lui] a paru fournir les noms de tous les personnages dont les portraits étaient incrustés dans les façades de la cour lorsqu’elles étaient encore debout. » En réalité, l’hypothèse repose sur un seul fait : la liste de trente-quatre noms inclut les onze dont les médaillons de marbre blanc figurent toujours à la façade de la galerie après les reconstructions du Grand Siècle. Deux d’entre eux, placés postérieurement à l’extrémité de l’aile1, viennent vraisemblablement de parties reconstruites lors de la modernisation voulue par le maréchal de La Feuillade sur le modèle versaillais (le pavillon des Trophées englobe une travée de la galerie).
On ne peut plus croire à une construction intégrale par Claude Gouffier sur un plan régulier. D’abord, l’escalier n’est pas au centre de la façade, comme par exemple à Bonnivet. Puis un visiteur décrit en 1644 le château comme un « bâtiment irrégulier, dont les côtés, la hauteur et la largeur ne sont pas égaux, mais qui a été probablement accru à diverses reprises », en dernier lieu par Louis Gouffier qui fit construire plusieurs bâtiments à partir de 1625. Surtout, le Strasbourgeois ne cite que « les bustes des douze Césars en marbre » de la galerie. Sur les autres corps, il ne parle que de rinceaux et autres ornements, sculptés sur les constructions de Louis Gouffier, et de l’épée du Grand Écuyer, dont la devise se voyait notamment à l’intérieur de l’entrée du « portail », selon la traduction. Plutôt qu’une référence au pavillon d’entrée, comme on avait pu le croire, il s’agit sans doute du porche d’entrée de l’escalier, dont les fondations ont été retrouvées, et de son vestibule, toujours orné de la devise (et de médaillons de terre cuite).
Il subsistait néanmoins avant la Révolution dix médaillons de pierre (et non en marbre) dessinés à la suite de la dédicace de la galerie par Pierre de Beauménil dans le manuscrit du Supplément des Antiquités du Poitou, recueillies en 1782. Le premier, trouvé parmi des décombres de tuiles et de carrelages, était de forme ovale, d’environ 16 pouces de haut ; ce portrait de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, avait été peint et les lettres dorées. Sur les neufs autres, un peu plus petits (environ 14 pouces), huit étaient circulaires, le dernier « un peu ovale ». La plupart étaient colorés, sauf un « qui n’a jamais été peint ». Quatre étaient sans inscription ni légende. Ils n’appartenaient donc pas à une série homogène, mais évoquent pour certains ceux qui ornaient le château de Bonnivet, aujourd’hui au musée de Poitiers. Aucun ne se retrouve dans la liste reproduite par Fillon.
Beauménil rapporte qu’il n’a pu savoir pourquoi ces médaillons étaient au château d’Oiron, et suppose qu’ils avaient été apportés lors des guerres de Religion. Conjecture sans fondement, à l’inverse de l’origine du bas-relief dessiné à la suite, provenant vraisemblablement des démolitions ordonnées par le maréchal de La Feuillade pour permettre la réalisation de son grand dessein. Le relevé de ce bas-relief a été reproduit par Arthur Bouneault dans sa collection de dessins. Beauménil l’avait trouvé dans le fossé du château. Du temps de Benjamin Fillon, au début des années 1860, il existait toujours des débris épars, comme « un fragment de sculpture encore gothique, portant la date 1530, jeté sur un coin de la terrasse du château ».
L’absence regrettable du relevé du buste sculpté et peint de François Ier qui occupait la niche de la porte de l’escalier conduisant à la galerie, dont figure pourtant la légende, peut s’expliquer par une lettre de Beauménil de 1785 citée dans L’Actualité n° 113 (p. 88) : sans doute le dessin a‑t-il été définitivement perdu suite à l’inondation de la caisse contenant le cahier broché des Antiquités du Poitou, dont l’auteur envisageait de recopier figures et narration, sans finalement parvenir à réparer toutes les « confusions du diable » et les pertes provoquées par la dilution de l’encre dans l’eau.
1. Selon un état des lieux dressé en 1866, avant la restauration de Daviau, la façade était alors ornée de neuf médaillons, un autre était placé « sur le pavillon occupé par. M. Jublin. »
Sur le château d’Oiron
« De retour à Oiron », L’Actualité Nouvelle-Aquitaine n° 119, hiver 2018, p. 56–59.
« Le recueil du duc d’Antin », L’Actualité Poitou-Charentes n° 110, automne 2015, p. 26–29.
« Tombeaux de marbre des La Trémoïlle et des Gouffier », L’Actualité Poitou-Charentes n° 107, hiver 2015, p. 46–47.
« Les Métamorphoses au plafond du château d’Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 106, automne 2014, p. 39.
« Oiron. La chambre du Roi », L’Actualité Poitou-Charentes n° 102, automne 2013, p. 22–25.
« L’orange cultivée au Grand Siècle », L’Actualité Poitou-Charentes n° 93, juillet-septembre 2011, p. 45.
« Oiron. Un visage retrouvé », L’Actualité Poitou-Charentes n° 87, janvier-mars 2010, p. 46–47.
« Oiron. La galerie restaurée », L’Actualité Poitou-Charentes n° 86, octobre-décembre 2009, p.40–41.
« Madame de Montespan à Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 78, octobre-décembre 2007, p. 40–41.
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