Amandine Maillot, l’au-delà de la forme
Par Denis Montebello
Photos Amandine Maillot
La porcelaine que les Chinois ont inventée, c’est en archéologue qu’elle les invente, en découvrant les fossiles qui s’incrustent dans le présent, en photographiant les traces du passé. Des vestiges matériels. Ici des poteries blanches. Qui apparaissent dans l’ombre. Dans le moment qu’elles disparaissent. C’est ce moment qu’elle montre. L’instant d’après. Les derniers témoins viennent de quitter la scène. Dans la précipitation. Ils n’ont pas eu le temps de débarrasser le plancher. Ils ajoutent au désordre. À l’incertitude. On ne saura donc jamais qui peut ainsi abandonner ses œufs. Quelle fourmi, quel oiseau Pihi. Laisser le nid ouvert. Autant de coquilles. Et un poème à faire.
C’est le moment où le cours de l’histoire se brise. Où ce qui n’a pas eu le temps d’exister comme poterie accède au statut de vestige. Où la trace fait de celle qui la cueille et de celui qui la lit des archéologues. L’histoire s’est arrêtée là. Là commence l’archéologie. Elle choisit le noir et blanc, joue de l’ombre et de la lumière. De ce qui se tramait dans le secret, du secret éventé. Éventré. Elle constate l’effraction. Elle ne l’empêche pas. Elle ne la répète pas non plus. Tout a déjà eu lieu. Il y a un instant et il y a des siècles. C’est de la visite d’ateliers. Des ateliers miraculeusement ouverts, ouverts pour personne. Viennent de partir ceux qui y travaillaient. En catastrophe. Elle filme la catastrophe. Le nid pillé, les coquilles. L’histoire brisée dans l’œuf.
Elle a transformé, en le photographiant, l’atelier en grotte. En traçant son chemin dans l’ombre. En cherchant sa stèle. La forme. Le moule. Elle est entrée, comme Victor Segalen. Pénétrée des mêmes rayons.
Les mauvais potiers, et tout le peuple des artisans terrestres, qui accuseront-ils maintenant que les célestes ont quitté la scène ? Qui pour porter le fardeau de l’imposture et de la nullité ? Qui pour rayonner ? Et qui pour le dire ?
Amandine Maillot est l’une des cinq artistes de l’exposition Kaolin présentée jusqu’au 7 mai à la galerie Louise-Michel à Poitiers (25 rue Édith-Piaf), aux côtés de Florian de la Salle, Réjean Peytavin, et les deux artistes encadrant, Guy Meynard et François Bauchet.
Cette exposition est l’aboutissement du programme post-diplôme Kaolin 2017 mis en œuvre par l’ENSA-Limoges. Ce programme de recherche appliqué à la céramique contemporaine s’inscrit dans un contexte international d’échange et de formation artistique entre Limoges et Jingdezhen en Chine, capitale mondiale de la céramique.
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