Formigé, un architecte méconnu

Carte de visite de Jean-Camille Formigé, conservé dans le fonds du père Camille de la Croix.

Par Juliette Jessin

Jean-Camille Formigé (1845–1926), archéologue, architecte et urbaniste parisien, a largement contribué à l’image de Poitiers aux xixe et xxe siècles. La numérisation du fonds d’archives du père de La Croix a permis de mettre en lumière son travail de restauration. Par son enseignement à l’académie des Beaux-Arts et aux Arts décoratifs, Jean-Camille Formigé a su se faire sa propre conceptualisation de l’architecture. Décorateur-ornemaniste, il a su affiner son travail pour se démarquer. Cantonné à des interventions d’agencement, de décoration, sur une échelle parfois monumentale, son carnet de commandes fut très divers. Architecte de commande privée à ses débuts, il compléta ses expériences en répondant à des concours d’aménagement publics.

Amené à concevoir deux bâtiments des Beaux-Arts de l’Exposition Universelle de Paris en 1889, il devint un architecte prisé de la capitale. Son travail pour l’aménagement des serres du jardin d’Auteuil, ainsi que pour des monuments du cimetière du Père-Lachaise à Paris, lui ont donné le prestige qui lui était dû. Dès lors, il fut promu au rang de membre de l’académie des Beaux-Arts en 1920.

Ses connaissances archéologiques lui permirent d’être nommé aux fonctions d’architecte des Monuments historiques puis d’architecte diocésain dans les villes d’Auch, Laval, Meaux et Poitiers.

Portrait de Jean-Camille Formigé (1845–1926) en 1889.

Son action à Poitiers

Notre-Dame-la-Grande, Saint-Hilaire-le-Grand, Montierneuf, Saint-Radegonde, la tour Maubergeon ou encore le baptistère Saint-Jean. Autant de lieux que Formigé put compter dans son carnet de commandes lorsqu’il siégeait au rang d’architecte diocésain de Poitiers. 

Influencé par les plus grands noms de son époque tels que Eugène Viollet-le-Duc, Charles Garnier, Théodore Ballu ou encore Paul Sédille, l’architecte a su tirer son épingle du jeu. Précurseur de l’Art nouveau, il se démarque de ses contemporains et tend à un retour aux formes d’origine. Son intervention à l’église Notre-Dame-la-Grande de Poitiers, débutée en 1887, en témoigne remarquablement. Il entreprit le dégagement de la façade sud, la restauration des porches, des couvertures et du parement extérieur, ainsi que la construction des sacristies et la réfection du clocher. Audacieux, il ne transgressa pas les règles de la conservation. Son travail s’attarde sur la forme d’origine afin de lier harmonie, efficacité et praticité, n’entrainant aucune modification formelle. 

Croquis de la sacristie de l’église Notre-Dame-la-Grande à Poitiers.
Archives du Père Camille de la Croix.

Le fonds d’archives de la Croix 

Le père de La Croix, nommé également « Révérend père de La Croix », était un archéologue d’origine belge, né à Tournai en 1831, qui exerça à Poitiers de 1864 à sa mort en 1911. À l’origine de plusieurs découvertes et restaurations de monuments historiques de la ville, il mit au jour le site de l’Hypogée des Dunes en 1878. Son fonds considérable comprend plus de trente mille documents d’archives, récemment numérisés par la MSHS de l’université de Poitiers. Un travail titanesque visant à mettre en lumière les actions de ce dernier, ainsi que ses échanges manuscrits, dont ceux avec Jean-Camille Formigé. Ce dernier entreprit, sur la demande du Révérend père en personne, l’exécution des travaux des monuments cités. Ces archives comprennent un nombre important de croquis des monuments rénovés. Bien qu’ils soient seulement signés de la main du père de La Croix, les lettres confirment l’investissement de l’architecte.

Au travers de leurs échanges, un respect mutuel se fait sentir. Dès ses premières lettres, Formigé le nomme « mon révérend père » ou encore « mon cher père ». Quant au père de la Croix, l’introduction de ses lettres est plus amicale : « cher monsieur et très honoré collègue ». Bien que soucieux de la santé de chacun, les lettres tiennent un discours professionnel. En 1908, dans les dernières lettres écrites, Formigé signe : « votre bien dévoué J.-C. Formigé ». Ce à quoi le père de La Croix, répond en nommant désormais Formigé par son titre de maître architecte. 

Un respect prononcé liant ces deux hommes s’est développé au fur et à mesure des années. Le terme « ami », bien que jamais employé par les deux archéologues, est le plus adéquat pour définir le lien qui les uni. 

Cet article a été réalisé lors d’un séminaire de médiation et d’écriture journalistique dans le cadre du master histoire de l’art, patrimoine et musées de l’université de Poitiers.

Voir également : Édouard André et Jean-Camille Formigé : le square de la République, L’Actualité Poitou-Charentes, n° 95, 2012.

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