Les termes d’Oiron – dessin et meuble inédits

Détail d’un meuble orné de termes provenant d’Oiron. Photo Christian Vignaud - musée de Poitiers.

Par Grégory Vouhé

La bibliothèque du Centre des monuments nationaux a acquis en 2016 le dessin inédit d’un terme –  c’est-à-dire une figure engainée – du château d’Oiron. Plus précisément de l’un des cinq termes subsistants sur les dix qui ornaient à l’origine les niches des contreforts de la galerie élevée par Claude Gouffier vers 1545. Ce terme n’était déjà plus en place en 1866. À cette date, un procès-verbal de visite du château signale qu’il existe douze niches dont quatre seulement sont encore garnies de statues en terre cuite en mauvais état. Ces quatre termes se voient sur les clichés des années 1884 de l’intérieur de la galerie, où ils avaient été mis à l’abri à l’occasion de la restauration de la façade par l’architecte Noël Daviau, entre 1869 et 1877, commandée par le marquis Auguste Fournier de Boisairault (1828–1877). Sans doute vendus en novembre 1902 lors de la dispersion des meubles et objets d’art du château, ils ne se trouvent plus à Oiron en 1906, selon le témoignage d’Henri Clouzot.

 

Dessin à l’encre et au lavis d’une Terre cuite d’une Niche de l’Aile gauche, signé d’un monogramme non identifié, 33,7 x 28,8 cm, bibliothèque de l’hôtel de Sully. Photo Jean-Luc Paillé – CMN.

 

Le cinquième terme encore conservé avait été recueilli par Benjamin Fillon, vraisemblablement avant 1866. Curieusement, dans son fameux ouvrage sur L’Art de la terre chez les poitevins publié à Niort par Léon Clouzot en 1864, l’érudit ne mentionne que très rapidement ces « beaux termes en terre cuite rouge posés dans les niches des contreforts », alors qu’il décrit et reproduit l’un de ceux – bien moins beaux et, de surcroît, de pierre et non en terre – de la cheminée de la galerie. En 1879, le terme fut offert par mademoiselle Fillon au musée de Sèvres, d’où l’annotation du dessin : « A la Manufacture de Sèvres ».

 

Illustration d’E. Froment et A. Gusman pour la page 301 du Magasin pittoresque de 1882.

 

Illustration non signée de la page 361 de la Revue de l’Art ancien et moderne de juillet-décembre 1904. Photo Olivier Neuillé – médiathèque de Poitiers.

 

Aujourd’hui au Louvre, il est reproduit dès 1882 dans le n° 38 du Magasin pittoresque par le graveur Adolphe Gusman (1821–1905) d’après un dessin d’Eugène Froment (1820–1900), illustrateur et collaborateur de la manufacture de Sèvres. Henri Clouzot (1865–1941), qui n’est autre que le fils de l’imprimeur de L’Art de la terre, le reproduit à son tour dans la Revue de l’Art ancien et moderne de juillet-décembre 1904. Signé d’un monogramme qui résiste à l’identification (le D est associé à une lettre d’une lecture problématique), le dessin acquis en 2016, précédemment signalé dans une collection niortaise1, pourrait avoir servi de modèle à cette illustration de l’article de Clouzot, lui-même niortais. À moins qu’il n’ait été fait d’après l’illustration, qui semble de meilleure facture. Quoi qu’il en soit, la comparaison avec la signature de l’architecte Daviau ne semble pas permettre d’attribuer le dessin à ce dernier.

 

Vestige d’un meuble Renaissance provenant d’Oiron, haut. 86, larg. 146, prof. 68 cm. Photo Christian Vignaud – musée de Poitiers.

 

Les trois termes sculptés sur les montants. Photo Christian Vignaud – musée de Poitiers.

 

Concluons avec un autre inédit, un meuble du temps de Claude Gouffier, provenant d’Oiron. Au demeurant, il est fort probable qu’il vienne du château, à l’exemple du portrait de madame de Montespan en Madeleine aujourd’hui à l’ancien hospice, ou de celui de Claude Gouffier présenté par saint Claude, à l’origine élément du retable de la chapelle de son appartement au château, désormais dans l’église, après son signalement à la cure en 1906 et un passage dans la sacristie documenté en 1864. Ce meuble a été donné à la société des antiquaires de l’Ouest par M. de La Brosse, comme le consigne le bulletin du 2e trimestre 1878, où il est ainsi décrit : « un côté d’un coffre orné de deux cariatides, et deux autres cariatides du même coffre, avec des portions de la frise. Ce débris de meuble, de la plus belle époque des Valois, provient de la sacristie d’Oiron. » Il s’agit, pour autant qu’on sache, du seul meuble d’Oiron du temps de Claude Gouffier aujourd’hui localisé (au musée de Poitiers) – le banc du vestibule de l’escalier du château, encore connu au milieu du xixe siècle, est à présent perdu. Son ornementation est toute profane. On reconnaît sur les montants les termes de la galerie, à masque au niveau de la ceinture, associés à des figures fantastiques androcéphales2 sculptées sur le panneau conservé. L’enroulement des membres inférieurs est celui des figures anguipèdes3 de l’encadrement de la scène des armes et des combats d’Énée, qui fait face à la Gloire de François Ier.

 

Figures anguipèdes sur un montant du meuble (photo Christian Vignaud) et sur l’encadrement d’une scène de la galerie (photo Jean-Luc Paillé – CMN).

 

1. Selon une version archivée de l’article sur le château d’Oiron, manifestement bien informé, de Wikipédia (8 janvier 2016) : « Un livre relatif au château illustré d’une série d’eaux-fortes de Sadoux et contenant une série de photographies du lieu par Robuchon (coll. privée niortaise) et un dessin signé d’un monogramme attribuable à Daviau représentant le terme ou hermès reproduit ci-dessus, montre l’état de la demeure vers 1890, et dans la chambre du Roi un portrait en forme de médaillon en marbre de Louis XIV, possible vestige du mobilier Montespan, signalé en 1931 chez le marquis de Rochequairie au château voisin de Purnon à Verrue (86) ; l’ouvrage fut annoté par l’érudit et historien manceau Paul Cordonnier-Detrie. »
2. Figure hybride à tête humaine.
3. Figure hybride à tête et torse d’apparence humaine et jambes en forme de serpent ou de queue de poisson.

 

Sur le château d’Oiron

« De retour à Oiron », L’Actualité Nouvelle-Aquitaine n° 119, hiver 2018, p. 56–59.
« Le recueil du duc d’Antin », L’Actualité Poitou-Charentes n° 110, automne 2015, p. 26–29.
« Tombeaux de marbre des La Trémoïlle et des Gouffier », L’Actualité Poitou-Charentes n° 107, hiver 2015, p. 46–47.
« Les Métamorphoses au plafond du château d’Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 106, automne 2014, p. 39.
« Oiron. La chambre du Roi », L’Actualité Poitou-Charentes n° 102, automne 2013, p. 22–25.
« L’orange cultivée au Grand Siècle », L’Actualité Poitou-Charentes n° 93, juillet-septembre 2011, p. 45.
« Oiron. Un visage retrouvé », L’Actualité Poitou-Charentes n° 87, janvier-mars 2010, p. 46–47.
« Oiron. La galerie restaurée », L’Actualité Poitou-Charentes n° 86, octobre-décembre 2009, p.40–41.
« Madame de Montespan à Oiron », L’Actualité Poitou-Charentes n° 78, octobre-décembre 2007, p. 40–41.

 

Cet article fait partie du dossier Château d’Oiron.

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