Diapo, stéréo and co

Vue de la Grosse Cloche depuis la rue Saint-James. Une voiture ancienne est garée au premier plan, une charrette est visible au second plan. Au fond, au centre, se déploie l'édifice de la Grosse Cloche. Image stéréoscopique de la Grosse Cloche vue de la rue Saint-James à Bordeaux. 1932, Jean Carrières, fonds Caillol © CLEM Patrimoine / Stéréopôle

« La photographie à l’université, des origines au numérique », exposition jusqu’au 25 octobre 2024 dans les bibliothèques Lettres et Sciences humaines et Rigoberta Menchú de l’Université Bordeaux Montaigne.

Par les équipes du CLEM et du service de documentation de l’Université Bordeaux Montaigne

Dans le cadre du festival de rentrée Les initiales et des Journées européennes du patrimoine 2024, le service commun de la documentation de l’Université Bordeaux Montaigne et le Clem s’associent pour proposer une exposition exclusive de collections photographiques et mettre en lumière l’histoire des techniques de prise de vue.

Côté bibliothèque Rigoberta Menchú, découvrez la stéréophotographie, premier procédé d’imagerie en 3D né en 1832, à travers une sélection de photographies stéréoscopiques valorisant l’histoire du XIXe et du XXe siècle. Des appareils d’époque et des dispositifs immersifs seront également présentés afin d’expérimenter l’impression de relief produite par ces photographies «doubles» si particulières. Cette partie est présentée par le Clem, centre de médiation néo-aquitain, dont l’une des missions phares est la collecte, la numérisation et la valorisation de collections stéréoscopiques.

Côté bibliothèque Lettres et Sciences humaines, plongez-vous dans les trésors photographiques de l’université. À travers des plaques de verre, diapositives, photos imprimées ou numériques, ou encore la photographie aérienne ou la photogrammétrie, l’université n’a pas cessé de produire, collecter et montrer des images photographiques depuis la fin du XIXe siècle.

Des visites des deux expositions sont proposées les mardis et jeudis.

L’ancien “musée des moulages” de la faculté des lettres de l’université de Bordeaux, photographie de Jules-Alphonse Terpereau, 1886.

La stéréoscopie : donner l’impression de relief

Le principe de la stéréoscopie est connu depuis l’Antiquité et véritablement théorisé au XIXe siècle. Il se base sur la vision binoculaire : nos yeux sont espacés d’environ 6,5 centimètres et reçoivent chacun une image différente, légèrement décalée. Le cerveau synthétise ces images dissemblables en une seule image en trois dimensions.

En 1832, Charles Wheatstone, un scientifique britannique aux multiples talents, observe que la perception du relief pouvait être recréée en présentant à chaque œil une image légèrement différente d’un objet. Il développe un instrument qui utilise deux miroirs disposés à angle droit pour créer cette illusion de profondeur et le nomme «stéréoscope», à partir de deux mots grecs signifiant «solide, je vois». Il dévoile cette invention révolutionnaire en 1838 devant la Royal Society de Londres.

Il faut cependant attendre 1839 pour qu’une autre invention capitale apporte une avancée décisive : la photographie, née des recherches de Nicéphore Niepce, de Louis-Jacques-Mandé Daguerre et de William Henry Fox Talbot. Wheatstone collabore très vite avec ce dernier afin de mettre au point des photographies stéréoscopiques.

La lecture stéréoscopique permet de distinguer le relief sur les photographies aériennes. Photographie de Philippe Laymond pour l’Université Bordeaux Montaigne.

Par la suite, le physicien écossais Sir David Brewster propose en 1849 un stéréoscope utilisant une lentille convexe coupée en deux pour fusionner les images stéréoscopiques. Il s’associe ensuite à Paris à l’abbé Moigno, mathématicien et vulgarisateur scientifique, et Jules Duboscq, à la tête de la célèbre maison d’optique Soleil et Duboscq. Cette collaboration est déterminante : le marché de la stéréoscopie et sa popularisation sont nés. 

Progressivement, une véritable industrie se met en place. Des centaines d’images en relief réalisées par des photographes qui se professionnalisent rapidement sont publiées par des maisons d’édition puis commercialisées dans le monde entier. Londres puis Paris deviennent les plus importants centres de production d’images stéréoscopiques aux sujets très variés.

L’observateur d’une image stéréoscopique ressent une irrésistible fascination provoquée par l’effet saisissant du relief stéréoscopique mais également par l’immersion dans l’image qu’il procure. Ces caractéristiques ainsi que les progrès autour de la photographie ont concouru à sa propagation à travers toute l’Europe puis plus largement vers le monde entier.

L’essor de la stéréoscopie

En une dizaine d’années, les sujets de la photographie stéréoscopique se démultiplient et peuvent être achetés sur catalogue : monuments et paysages du monde entier, vie quotidienne, grands événements, personnages célèbres, scènes de batailles, scènes bibliques, vues érotiques ou encore pièces de théâtre. Les vues sur papier se développent à l’occasion de la première Exposition universelle tenue à Paris au palais de l’industrie et remplacent progressivement celles en verre.

À la fin du XIXe siècle et jusque dans les années 1930, les amateurs découvrent la pratique de la photographie stéréoscopique grâce la technique du négatif sur verre au gélatino-bromure d’argent. Enfin, grâce à l’utilisation d’appareils photographiques simplifiés et peu coûteux de très nombreux clichés sont pris dans la sphère privée familiale mais aussi dans la sphère professionnelle.  Parallèlement, l’industrie de la carte postale s’empare du procédé et édite de très nombreuses séries de cartes postales stéréoscopiques.

Dans les années 1950, la stéréoscopie connaît un regain d’intérêt avec la diffusion de films en relief (Bwana Devil, The House of Wax, The Creature from the Black Lagoon, Dial M for Murder, etc.) tandis que les firmes Bruguière et Lestrade commercialisent des visionneuses comme le View Master et des sets de cartes, bien connus des enfants des années 1960 à 1990.

L’anaglyphe, le partage de l’expérience

Dès la fin des années 1850, les recherches de Joseph-Charles d’Almeida puis de Louis Ducos du Hauron voient la naissance de l’anaglyphe, procédé permettant de réunir les deux images stéréoscopiques sous la forme de deux filtres de couleurs, d’abord vert et rouge, puis bleu et rouge, visibles à travers des filtres de couleurs correspondants pour forcer chaque œil à ne regarder que l’image qui le concerne. L’anaglyphe permet de vivre l’expérience stéréoscopique de manière collective : les premières projections publiques ont lieu à la fin des années 1880.

Les trésors photographiques de l’université

Dans les sous-sols des bibliothèques, au-delà des rayonnages de livres, se trouvent d’importantes collections photographiques. Des centaines d’images fixées par la lumière sur des supports variés (verre, papier, film) sont rangées dans leurs boîtes d’origine, numérotées (parfois) inventoriées (plus rarement), entreposées depuis des décennies dans l’obscurité d’un magasin. Les plus anciennes datent du milieu du XIXe siècle, les plus récentes du début du XXIe. Leur usage a cessé avec la photographie numérique et la disponibilité des images sur le Web. Exceptionnellement, nous les présentons au public pour les Journées européennes du patrimoine 2024. Les collections photographiques des universités témoignent des modalités matérielles et techniques d’enseignement et de recherche à l’ère de l’image photographique généralisée, soit, pour la faculté des Lettres de Bordeaux, à partir des années 1870.

Intérieur de la bibliothèque universitaire Droit – Lettres dans les années 1970. Photographie d’Aurélien Faure, fond d’archives de la direction de la communication de l’Université Bordeaux Montaigne.

Si les technologies ont considérablement changé, de la plaque de verre au gélatino-bromure d’argent à la photogrammétrie, du calque physique au calque numérique, les principes qui sous-tendent leur usage académique sont toujours les mêmes. La projection d’images pour accompagner un cours, maintenant en visioconférence, remonte au moins aux années 1890. De grandes banques d’images savantes sur les monuments, les œuvres d’art, les lieux et les hommes, la nature, existaient déjà au XIXe siècle : avant d’y accéder sur le réseau Internet, on pouvait les trouver dans les bibliothèques et centres de documentation des universités.

Orthophotographie du mur Sud-Est de l’ancienne église du couvent des Cordeliers de Lesparre, réalisée par Archeovision (Archéosciences Bordeaux). Une telle image permet de corriger les déformations liées au relief, offrant notamment la possibilité d’effectuer des mesures précises.

Les scientifiques du XXIe siècle continuent de collecter et produire des masses de photographies au cours de leurs recherches, comme aux siècles passés ; simplement occupent-elles maintenant de l’espace sur des serveurs et non plus sur des étagères. Au-delà des documents eux-mêmes et de l’évocation matérielle du passé, que nous vous invitons à apprécier, ce sont les transformations et les permanences des pratiques photographiques académiques que nous voulons rendre visibles dans cette exposition. Et, parfois, dans les solutions matérielles originales ou dans les procédés de prise de vue innovants, la profonde inventivité visuelle du savant à l’ère de la reproduction photographique.

Une exposition à découvrir jusqu’au 25 octobre 2024
Le livret est consultable en ligne.

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