Replanter des amandiers dans le Loudunais
Par Lison Gevers
Photos Vincent Aguillon
«L’amandier fait partie des essences fruitières qui peuvent nous donner envie d’aborder l’avenir du monde rural en toute confiance.» Vincent Aguillon est très engagé dès qu’il s’agit de promouvoir Prunus dulcis. Animateur patrimoine et environnement pour la Communauté de communes du Pays Loudunais, il explique son programme qui essaie d’allier conservation, valorisation et sensibilisation à la biodiversité.
Genèse d’un projet inédit
Après avoir été mis sur la voie par l’un de ses mentors, Jacques Manreza, personnage haut en couleurs qui s’intéressa à la production d’amandes en Poitou dès la fin des années 1960, Vincent Aguillon commença à synthétiser des données précieuses dues à ses observations de terrain (recensements des amandiers séculaires depuis 1997) et aux recherches de ses collègues, notamment les membres de l’association ARBRISSEL dont il fut l’un des fondateurs. Très vite, les travaux de Sylvette Noyelle et Thérèse De Laplane (Société Historique du Loudunais), ainsi que l’observation de la tradition culinaire, ont permis d’accréditer l’ancrage très ancien de l’espèce en Pays Loudunais. Il n’en fallait pas plus pour qu’une formidable épopée naisse autour de l’amandier avec comme évènement fondateur les journées de l’Amande en 2007 à Monts-sur-Guesnes. «C’est là que nous avons pris conscience de l’intérêt de cette essence fruitière auprès du grand public», explique Vincent Aguillon.
La réimplantation de milliers d’amandiers
De nombreuses sessions de plantation s’organisent alors sur les terrains publics communaux. Des milliers de jeunes plants issus de semis récoltés sous plus de cent amandiers centenaires du Pays sont depuis lors installés dans les terroirs du nord de la Vienne et pas seulement dans les zones de vignoble. Partout en Europe de l’Ouest, l’implantation de l’amandier suit celle de la vigne. Grâce à sa racine-pivot et à la quasi absence de racines superficielles, grâce aussi à son feuillage léger et à sa silhouette érigée, l’amandier ne concurrence que peu la vigne et n’empêche donc pas la maturation du raisin. Contrairement à certains arbres, comme le noyer, qui sont exclusifs. C’est-à-dire que pour éviter toute compétitivité, les racines libèrent une toxine qui empêche les herbes de s’installer à son pied. «Un noyer dans une vigne, c’est une catastrophe, les ceps à proximité ne poussent pas, développe-t-il. Mais à côté d’un pêcher ou d’un amandier, la vigne profite tout autant.»
Création d’amanderaies communales, animations scolaires, ateliers du goût, expositions originales, végéto’troc, fêtes de l’arbre : tout est désormais prétexte à la promotion de l’amandier. En 2018, la Communauté de communes du Pays Loudunais et l’association ARBRISSEL cumulent plus de 10 000 plants créés en dix ans. On ne compte même plus la transmission d’amandes qui s’opère de main en main et les vocations suscitées pour prendre le relais du côté des particuliers.
L’amandosaure et la diversité variétale
C’est presque par hasard que Vincent Aguillon découvre la diversité variétale de l’amandier. «Pour préparer les journées de l’Amande de 2007, j’ai sillonné le pays loudunais afin de prélever des milliers d’amandes à déguster. En collectant une vingtaine “d’arbres paysans“ puis en posant les fruits secs sur ma table de jardin, j’ai constaté avec surprise que chaque amandier donnait des amandes aux caractéristiques différentes, et pas seulement en termes de forme ou de grosseur. Il y avait là des coques tendres, des coques incassables, des amandons au goût très fin, d’autres au goût plus commun et enfin des amandes amères.» C’est ici que commença véritablement l’aventure qui devait aboutir, une décennie plus tard, à la création de l’Amanderaie de collection de Bel Air.
Afin de présenter de manière originale cette diversité, Vincent Aguillon récupère le tronc d’un gros amandier déraciné par l’ouragan de 1999 afin de l’aménager en présentoir d’amandes. «L’amandosaure du Poitou» est né. Il accompagne désormais Vincent dans toutes ses interventions, comme en novembre 2017, lorsque celui-ci se rend à la fête de l’arbre du conservatoire végétal d’Aquitaine à Montesquieu (Lot-et-Garonne).
Les partenaires
Evelyne Leterme, responsable de ce haut-lieu des essences fruitières, rencontrée lors d’une conférence organisée par l’association Prom’haies, fut l’une des premières à encourager Vincent dans sa démarche de conservation des variétés d’amandiers. Henri Duval, de l’INRA d’Avignon, qui pilote le programme européen Safenut (sauvegarde des ressources génétiques d’amandes et de noisettes), en fit de même. Car malgré le travail entrepris sur la diversification de l’espèce grâce aux nombreux semis réalisés depuis 2007, rien de concret n’avait encore été fait pour préserver les meilleures variétés rencontrées.
Semis ou greffe ?
L’amandier est une espèce à très grande majorité autostérile. La fleur a besoin d’un agent pollinisateur en provenance d’un autre arbre pour être fécondée. Le fruit qui en découle possède ainsi les gènes d’autres variétés visitées par les insectes. Le semis ne reproduit donc pas fidèlement le même sujet. Même si, dans cette diversité génétique, il peut y avoir une semence qui donnera une variété extraordinaire, dix amandiers issus de semis d’un même arbre pourront donner dix amandes différentes. La reproduction n’est donc pas maîtrisée. Parfois, il y a ce qu’on appelle un semis de hasard. Par exemple, un trognon de pomme lancé sur le bord d’une route peut donner une variété avec des pommes de qualité.
Les milliers de plants intégrés dans le terroir loudunais depuis dix ans ont donc permis de renforcer le patrimoine génétique de l’espèce dans la région car autant de nouvelles variétés y ont été créées. Mais il était temps de créer aussi une banque végétale des meilleures variétés rencontrées et de les fixer durablement en ayant recours à la greffe, seule technique permettant la reproduction fidèle d’un sujet.
La collection de Bel Air
Sur le conseil des spécialistes précités, Vincent Aguillon a commencé un fastidieux travail de caractérisation et de sélection des variétés aptes à rejoindre la collection. Démarrée en 2017, la collection devrait être ouverte au public à l’horizon 2022. Une centaine de variétés, reproduites en deux exemplaires (l’un greffé sur GF 677, l’autre sur amandier franc de pied issu de semis) seront alors rassemblées dans un même lieu. Sur cette centaine de variétés sélectionnées à partir de quatre cents arbres ancestraux, plus de vingt possèdent des qualités qui correspondent à des critères fiables de commercialisation : goût, forme de l’amandon, rendement à la casse, résistance aux maladies…
Cette banque végétale pourra alors servir de point d’ancrage à une petite filière locale qui pourrait se mettre en place dans les années à venir. Le patrimoine génétique des amandiers locaux est tel que les maladies qui ravagent les amanderaies du sud de l’Europe sont inexistantes. «Il faut profiter de cette aubaine pour encourager particuliers et agriculteurs à diversifier leur activité en implantant quelques arbres et en continuant à prôner la diversité de l’espèce».
L’arbre de demain ?
Vincent Aguillon explique que l’amandier possède, en dehors de ses qualités gustatives et paysagères, bien d’autres atouts qui en font un arbre d’avenir : une mise à fruit très rapide (à peine cinq ans), un entretien minime des arbres (moins lourd que les pommiers et poiriers), une production régulière avec une faible alternance (depuis 2007, une seule année sans amandes). «Quand on ajoute à cela que l’amandier supporte des terrains calcaires superficiels ou des terres érodées, il n’en faut pas plus pour parier durablement sur cet arbre et imaginer qu’il puisse même devenir dans nos régions l’arbre de demain, comme le noyer fut celui d’hier», affirme Vincent.
Implanter des fruitiers chez soi ne nécessite pas d’investissement important. Il suffit parfois qu’il y ait un particulier ou un agriculteur qui se lance pour que d’autres en aient l’envie. «Dans nos campagnes, nous avons en fait une multitude de petites richesses que l’on peut mettre à profit avec un investissement modeste.»
Bonjour
Je suis intéressée par vos travaux et nous envisageons de planter des amandiers dans le sud de la Vienne. Je suis donc à la recherche de sujets.
Merci de me dire auprès de quel personne peut on s adresser
Bonjour, je vous ai envoyé un mail mais il m’est revenu, il y a dû avoir une erreur. Contactez-moi directement afin que je vous transmettre le contact de Monsieur Vincent Aguillon pour vous aider dans votre projet : heloise.morel@emf.ccsti.eu