L’interdisciplinarité vue par Anne Julien-Vergonjanne
Faire sa place dans la recherche
Dans la recherche, la parité n’est toujours pas atteinte, il y a toujours plus d’hommes que de femmes et particulièrement dans votre domaine en traitement du signal et communication. Cela a‑t-il affecté votre travail ?
Anne Julien-Vergonjanne. – Il n’y a pas d’obstacle à être une femme dans la recherche ou même dans mon domaine. Peut-être que certaines femmes se mettent des freins mais il n’y en a aucun, si ce ne sont certaines caricatures sans fondement qui viennent de notre société. On peut imaginer que les femmes seraient plus intéressées par des recherches appliquées au quotidien ce qui est tout à fait possible dans mon domaine. Par exemple, j’ai travaillé sur des technologies au service du bien-vieillir pour suivre les personnes âgées et les inciter à pratiquer une activité physique. Bien sûr, c’est une opinion personnelle que l’on ne peut pas généraliser.
Pensez-vous avoir davantage à faire vos preuves que vos collègues masculins ?
Je ne pense pas qu’il y ait d’obstacles particuliers à part des aspects humains ou relationnels. Dans les communautés scientifiques, il y a souvent que des hommes. Il faut donc s’affirmer autant qu’eux. J’ai l’impression de devoir me justifier plus que mes collègues masculins, ce qui n’est pas normal. Je pense avant tout que c’est un problème de société et générationnel. C’est une contrainte que l’on se met à soi-même.
Quand avez-vous ressenti le besoin de prouver davantage vos compétences que vos collègues ?
C’est le cas notamment depuis que la communauté scientifique a adopté la parité lors des comités scientifiques. Depuis lors, le nombre de demandes de participations qui m’ont été adressées ont explosé. Je ne veux pas être présente parce que je suis une femme mais parce que je suis compétente, je ressens donc encore plus le besoin de prouver ma légitimité. Mais je ne suis pas mécontente de ce système car je pense que cela va dans le bon sens, c’est une bonne chose que cela change. Cela sera plus simple pour les futures générations et contribue à l’avancement des mentalités pour le futur, ce qui est indispensable. Les futures chercheuses se sentiront sans doute moins illégitimes comme il y a déjà des femmes. Peut-être que les jeunes femmes se posent moins de questions maintenant qu’avant. On voit dorénavant plus de jeunes femmes avec du caractère, ce qui est un bon indicateur.
Avez-vous eu des modèles ou des inspirations qui vous ont conduite à faire de la recherche ?
Malheureusement, je n’ai pas eu de modèle féminin scientifique pour ma vocation. En revanche, je suis contente de voir d’autres doctorantes et chercheuses. À l’école d’ingénieurs où j’enseigne, l’Ensil-Ensci, je vois de nombreuses futures femmes ingénieures ce qui me motive et me conforte encore plus dans le sentiment que nous ne sommes pas illégitimes dans notre domaine. Par exemple, sur les quatre écoles doctorales scientifiques de Limoges, nous sommes quatre directrices, ce qui est un bon signe pour notre représentation dans la société scientifique.
Selon vous, qu’est-ce qui motiverait les jeunes étudiantes de cette nouvelle génération à poursuivre en recherche comme vous ?
Je pense que c’est tout d’abord une question de curiosité: être intéressée par le domaine et les sciences en général. Les futures ingénieures avec lesquelles je travaille ont un bon niveau mais ne sont pas formées à la recherche. En recherche, nous n’avons pas à à produire quelque chose de concret ou à concevoir un produit. On fait avancer la science pas à pas dans notre spécialité. C’est ce que j’aime : je suis passionnée et curieuse scientifiquement. Cependant, je pense que le système éducatif a évolué sans consolider l’apprentissage de l’esprit critique ce qui n’encourage pas à éveiller la curiosité et l’orientation vers la recherche.
Auteurs
Damien Boildieu est doctorant en troisième année de thèse au sein du laboratoire Xlim à l’université de Limoges. Son sujet de thèse, co-dirigé par Philippe Carré et Philippe Leproux, s’intitule : «Intégration des spécificités des données CARS dans des méthodes de démélange.»
Alexandre Fenneteau est doctorant en troisième année de thèse chez Siemens Healthineers au sein du laboratoire Xlim à l’université de Poitiers. Son sujet de thèse, co-dirigé par David Helbert, Christophe Habas et Matthieu Lepetit-Coiffé, s’intitule : «La segmentation automatiques des lésions de sclérose en plaques sur image IRM en adéquation avec les contraintes cliniques.»
Nour Karnib est doctorant en première année de thèse en collaboration entre le Lias à l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (Ensma) et l’entreprise SRD à Poitiers. Son sujet de thèse, co-dirigé par Emmanuel Grolleau et Antoine Bertout, s’intitule : «Optimisation de l’acheminement de l’énergie et de la planification.»
José Anderson Silva dos Santos est doctorant en deuxième année de thèse au sein du laboratoire Xlim à l’université de Limoges. Son sujet de thèse, co-dirigé par Jean-Christophe Nallatamby et Michel Prigent, s’intitule : «Caractérisation et modélisation de transistors HEMT en utilisant une méthode innovante de mesure de la linéarité.»
Alandra Zakkour est doctorante en première année de thèse au sein du laboratoire LMA à l’université de Poitiers et en collaboration avec le laboratoire Cerca . Son sujet de thèse, co-dirigé par Yousri Slaoui et Cyril Perret, s’intitule : «Classification à partir de q‑distributions de probabilités.»
Article réalisé par des étudiants de l’école doctorale Sismi des universités de Poitiers et de Limoges dans le cadre d’une formation à l’écriture journalistique et à l’action Sciences en mouvement d’elles portée par l’Espace Mendès France.
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