Expérimenter et collectionner
Par Juliette Herbaut
Le double cône de l’Abbé Nollet est un instrument surprenant qui met en évidence le centre de gravité. Ainsi, lorsqu’il est mis sur la partie haute de la double rampe, il ne bouge pas ; à l’inverse, lorsqu’il est positionné sur sa partie basse, il remonte. Cette expérience étonnante montre la loi du mouvement des corps pesants, le tout avec des instruments en bois décorés. Cet objet, comme 73 autres, est présenté au musée Bernard d’Agesci à Niort. L’exposition Enseigner la physique, tout un art ! Les prémices de l’enseignement expérimental de la physique au siècle des Lumières présente une multitude d’autres objets pédagogiques du xviiiᵉ siècle. Francis Gire, expert auprès du ministère de la Culture et de la communication pour la protection des instruments scientifiques et chargé par le ministère de l’Éducation nationale d’une mission de sauvegarde et de mise en valeur de ce patrimoine, a participé à l’élaboration de cette collection. Provenant de grands lycées français, de l’École Polytechnique, du musée de Versailles et bien d’autres encore, les objets présentés s’organisent autour de la figure de l’Abbé Nollet et de son élève Sigaud de Lafond. Jean Antoine Nollet, scientifique du xviiiᵉ siècle et précepteur des enfants de Louis XV, a contribué à l’expansion de la physique expérimentale en France, en faisant des démonstrations scientifiques spectaculaires à l’aide d’instruments raffinés et divertissants. Dans les salons parisiens ou bordelais, et même à Versailles, il vend ces appareils décorés à la feuille d’or et aux motifs travaillés, ce qui lui assure une renommée nationale et un financement pour mener ses recherches. Les ornements sont soigneusement choisis et sélectionnés pour harmoniser ces objets, rejoignant les collections des cabinets de curiosités.
L’exposition est organisée autour de six salles, portant toutes sur des thématiques scientifiques différentes. On retrouve aussi dans la partie « Optique » des télescopes décorés, un œil artificiel sculpté qui permet, grâce à des lentilles, de mettre en évidence les dysfonctionnements de la vue ; mais aussi un prisme de Newton qui diffracte la lumière. Les deux pièces maîtresses de l’exposition sont les microscopes de Magny. Fabriqués avec des bronzes dorés et décorés de galuchat et d’argent, ces objets sont très rares : il n’en existe qu’une dizaine dans le monde. Présentés avec une boîte d’origine en bois, velours et dorures, ces microscopes ont été offert à Louis XV au milieu du xviiiᵉ siècle.
Une autre salle est dédiée à l’étude de la chaleur et de l’astronomie, dans laquelle est exposé un pyromètre à cadran. Cet objet montre l’effet de la chaleur sur un corps, en mesurant le coefficient de dilatation des métaux. Il est constitué d’un coffret où l’on place des barres de composition différentes, et que l’on chauffe. Ces tiges vont alors, en s’allongeant, pousser une molette, qui pourra mesurer les différences de dilatation entre les métaux. Cette invention a été déterminante, notamment dans la fabrication des rails de train.
D’autres instruments sont exposés, comme la machine pneumatique à rouet de l’Abbé Nollet, sculptée et décorée de motifs floraux. Cet objet permet de faire le vide dans une cloche en verre. De nombreuses expériences sont réalisées grâce à cette invention, comme les hémisphères de Magdebourg. Reposant sur le même principe, les deux demi-sphères sont rendues hermétiques entre elles à l’aide d’une larde de cuir. Elles deviennent impossibles à séparer, permettant d’offrir un spectacle étonnant. Ainsi, sous les yeux de l’Empereur Ferdinand III en 1654, deux hémisphères de 50 centimètres de diamètre furent attachés à des attelages d’une quinzaine de chevaux, démontrant ainsi la force de la pression atmosphérique. Enfin, la dernière salle contient une reconstitution d’une salle de classe de physique du xixᵉ siècle, qui s’inspire d’anciennes cartes postales. De grands rayonnages contiennent des instruments qui composent déjà les collections du musée, et d’autres vus précédemment, comme les piles de Volta ou le disque de Newton.
Cette exposition, visible jusqu’au 6 mars 2022, vient ainsi compléter une collection permanente sur le même thème, mais datant du xixᵉ siècle.
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