Kick de Strychnine ou les mémoires d’un égaré volontaire
Par Maya Merle
« Car enfin mon histoire a‑t-elle un quelconque intérêt ? Et pour qui ? Pour les autres ?… Allons ! Un peu de sérieux, ils en ont déjà bien assez des leurs ! »
Mémoires d’un égaré volontaire est le premier ouvrage de Christian Lissarrague « Kick », chanteur du groupe de punk rock bordelais Strychnine. Habituellement discret, le chanteur se livre dans cette autobiographie dont les parties sont des errances, et les chapitres des chants. Au détour de ses rencontres, expériences et épreuves, le chanteur nous ouvre la porte d’une ère qui a marqué les esprits : celle du punk rock de la fin des années 1970, début des années 1980. Mémoires d’un égaré volontaire retrace le parcours d’un homme de talent mais c’est aussi et surtout un hommage. Un hommage à des hommes et des femmes qui l’ont entouré, accompagné et soutenu.
L’époque Strychnine
L’aventure Strychnine commence en 1976 lorsque cinq amis du lycée François-Magendie à Bordeaux décident de former un groupe de rock. Les futurs membres se mettent d’accord sur un nom, ce sera Strychnine, en référence au morceau des Sonics sorti une dizaine d’années plus tôt. Christian Lissarrague en est alors le chanteur. En 1977 le groupe commence à composer et répéter dans les caves et les bars bordelais et quelques concerts plus tard, Strychnine connaît un véritable tournant dans sa toute jeune carrière. Au mois d’août de la même année, le groupe est invité à jouer au festival punk de Mont-de-Marsan, au milieu des Landes. L’événement promet de grands noms de la culture punk rock : The Damned, Lou Reed et The Clash. Strychnine, qui joue juste avant ces derniers, est alors propulsé sur le devant de la scène.
« À partir de là, les choses sont claires, nous savons où nous voulons aller et pourquoi, et les concerts se multiplient. Ce festival va être un électrochoc pour beaucoup et les portes s’ouvrent en grand désormais pour le rock comme on l’aime. »
Si la culture punk rock semblait jusque là assez marginale, elle va peu à peu davantage de succès. Strychnine a le vent en poupe et la jeunesse bordelaise se retrouve dans ces textes qui dépeignent une réalité qui leur fait écho. Ainsi, le groupe de rock est l’un des premiers en France à suivre la vague punk rock très populaire en Angleterre. Leur emboiteront le pas les Stalag, les Standards ou encore Noir Désir. Leur premier album, Jeux Cruels sort en 1980. Strychnine sillonne alors le pays pour assurer les premières parties de Jacques Higelin.
Toutefois, les différends créatifs auront raison du groupe et c’est à l’occasion d’un ultime concert dans leur ville natale que Strychnine se sépare en 1982, après avoir enregistré l’album Je Veux, en 1981.
« Trop, trop vite, trop jeunes. Les ailes brûlées, nous resterons longtemps marqués, et même à jamais en ce qui me concerne. »
L’exil
Bien que fier de Strychnine, Christian Lissarrague est conscient des failles qui habitaient le groupe. Le monde du rock peut parfois être sombre, teinté par l’alcool et la drogue. La jeunesse bordelaise n’y échappe pas. Les années suivant la séparation, le chanteur continue de composer et de se produire sur scène accompagné de musiciens différents. D’abord sous la formation « Kick », puis « Kick’n’Ze6 » puis aide aussi à la composition d’un album d’un groupe qu’il connait bien, Parabellum. Il compose deux albums solo Mal en 1984 puis Visions Pures l’année suivante.
Toutefois, un jour, Kick change de vie. Drastiquement, soudainement. Il suit sa compagne en Suisse et fait le service dans une cabane de montagne sur les pistes de ski. Adieu le rock, adieu Bordeaux, adieu la musique.
« C’est fini : j’arrête la musique… […] À partir de ce matin exsangue sur un pont de Berlin, je tire un trait, je change de vie… Allez tous vous faire foutre ! »
Kick ne chante plus, désormais sa vie est ailleurs. Il se marie, a deux filles, officie comme bûcheron dans les forêts suisses puis finit par revenir dans les campagnes françaises. Le rock semble loin derrière lui. À moins que…
Le retour du rock et de Strychnine
Des années plus tard, à l’occasion d’un festival rock où se produit Parabellum, Kick renoue avec ses anciens camarades mais surtout son premier amour, la musique. C’est à la toute fin des années 2000 que se reforme Strychnine autour de son chanteur, Kick, puis du batteur Jean-Claude Bourchemin et Luc Robène. L’album Tous les cris, sort en 2010, puis Kick enregistre plusieurs album solo : Forcené, Chien Fidèle et Le Pouvoir des Mots.
« Après toutes ces années d’errances, de turbulences, de ruptures, de hauts et de bas, de déchirements et de bouleversements incessants, il faut croire que j’aurai gagné le droit de mourir en paix… »
Editions Relatives, 315p., 18€ : https://editionsrelatives.fr/autobiographies-autofictions/
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